L’ingénieur topographe Nicolas Maire tenant boutique à Paris, 34 rue Charlot, au Marais, décida, en 1803, d’éditer un plan de Paris dont il nous dit qu’il n’est pas utile de démontrer l’exactitude géométrique. Ce nouveau plan est précieux en ce qu’il donne une vue détaillée de Paris sous le Consulat agrémenté de notes pittoresques.
C’est un plan gravé sur papier
fort par Perrier Oncle, complété d'un texte rédigé par Pélicier, illustré de vingt
planches figurant les différents quartiers de Paris et d’un plan d’assemblage.
Il existe des exemplaires "lavés" (passés au lavis, coloriés) et
d'autres laissés en l'état comme le précise la note introductive.
Le titre et le tableau
d'assemblage occupent les deux premières planches. Suivent les vingt plans de
quartiers avec le détail des monuments et les principaux hôtels, églises,
couvents, collèges ou parcs d’attraction, etc. Le relief et des symboles pour
la végétation complètent les cartes, de manière suffisamment exacte pour qu’on
puisse reconnaitre, par exemple le labyrinthe du Jardins des Plantes. Pour
finir quatre planches gravées composent un tableau des noms de rues.
Nicolas Maire n’a pas laissé
beaucoup d’information sur sa vie, nous n’avons ni sa date de naissance ni
celle de sa mort, nous savons simplement qu’il dirigeait un cabinet
topographique actif entre 1803 et 1840. Outre le plan général de Paris, il édita
un Atlas administratif de la ville de Paris (1821) et des cartes de l’Empire
français de l’Europe d’après les derniers traités et des routes topographiques.
Pour ses travaux parisiens, Nicolas
Maire s’est basé sur les plans de ses prédécesseurs, principalement le plan de l’abbé
Delagrive, dont il reprend le fond de carte à la même échelle de 1/4500e.
Le plan de Delagrive, gravé en six
feuilles, avait été publié en 1728, puis complété jusqu’en 1754. C’est un des
sommets de la cartographie parisienne. Il sera souvent repris comme fond
topographique par les cartographes de la génération suivante, comme Le Rouge[1].
Nicolas Maire s’est contenté de mettre à
jour le document par des visites sur le terrain, suivant en cela les
recommandations de Delagrive : un bon plan doit comprendre la totalité
des faubourgs et des rues, qui doivent être représentées avec exactitudes dans
leur largeur et leur tracé…. J’ai examiné les rues pendant près de deux
ans, la toise, la chainette et la boussole à la main. Puis Maire a complété
ses sources avec les plans et archives des architectes. Il cite dans ses
observations finales les noms de Messieurs Ledoux, Bellanger, Bonnard et feu
Antoine.
La première édition du plan de
Nicolas Maire, intitulée Plan de la ville de Paris dressé géométriquement
d’après celui de La Grive - An XII (1803) est en 26 planches montées sur
onglets. Certains édifices, délabrés par la Révolution, sont en cours de
destruction, comme le couvent des Chartreux (dans l’actuel Jardin du
Luxembourg) mais Nicolas Maire choisit de les maintenir dans le paysage urbain,
sans doute par facilité et reprise des anciens plans. Il ajoute néanmoins un
commentaire de son cru : Ce Plan devant servir à l’Histoire nous donnons les
Chartreux tels qu’ils étoient.
Il y aura quatre éditions en
tout. La seconde édition est publiée en 1808 sous le titre : La Topographie
de Paris dans laquelle les nouveaux hôtels particuliers sont reportés comme le
nouveau quartier de la place Vendôme et de la rue de Rivoli. Elle est plus
complète car les anciens noms de rue rebaptisés à la Révolution puis débaptisés
sous l’Empire y figurent ainsi que le tracé des projets de nouvelles voies
comme la rue de Rivoli sur les emplacements des couvents des Capucins et des
Feuillants. Maire ajoute dans l’avis au lecteur que cette nouvelle édition a
été rendue nécessaire par le changement impérial survenu dans la ville de
Paris, non seulement la recomposition de nombreuses rues de Paris par Décret
impérial, mais également les changements survenus dans cette ville, percées de
rues nouvelles, travaux d'embellissement, notamment du Louvre et de l'hôtel de
ville.
La troisième édition paraît en
1813 avec les mises à jour des réalisations architecturales et urbaines parisiennes
représentant les derniers aménagements publics (abattoirs, marchés) et la
préfiguration de certains travaux napoléoniens qui ne furent pas tous réalisés.
La dernière édition de 1824
intègre les transformations des plaines d’Ivry et de Châtillon, lieux de
plaisir fréquentés par les parisiens pour leurs guinguettes champêtres.
Ce plan ajoute des informations
intéressantes par rapport à ceux qui existaient jusqu’alors. Nicolas Maire nous
dit qu’on trouvera dans son ouvrage des augmentations et des détails
intérieurs qu’on ne trouve nulle part, ni dans Delagrive, ni dans Jaillot, ni
même dans le magnifique plan de Verniquet en soixante et douze feuilles.
Pourtant, Jaillot avait fait œuvre d’historien de Paris dans son ouvrage Recherches
Critiques, Historiques et Topographiques sur la Ville de Paris (1774),
agrémenté de vingt-cinq plans de quartiers particulièrement détaillés à
l’échelle de quatre cents toises, donc à une échelle plus fine que le plan de
Maire.
Les plans précédents ne
relevaient que les bâtiments publics tandis que celui-ci décrit les hôtels
particuliers les plus notables avec le nom de leur propriétaire du moment. Vers
la rue du Faubourg Saint-Honoré figure l’hôtel Duras, le hameau de Chantilly
(futur palais de l’Elysées, pl. 6), plus loin, rue de la Pépinière (pl. 2)
figure l’hôtel de Monsieur de Wailly, toujours existant. La demeure du
conventionnel Tallien appelée la Chaumière Tallien est mentionnée à
l’intersection du Cours la Reine et de l’Allée des Veuves dans un espace peu
construit où figurent encore des fermes (pl. 5).
Par ailleurs, Nicolas Maire pense
aux voyageurs étrangers qui achèteront son plan pour visiter la ville et il fait
insérer par Pélicier des commentaires d’ordre touristique dans les espaces
laissés libres par l’urbanisation. Sur le plan 3 pour l’enclos Saint Lazare
(emplacement actuel de l’hôpital Lariboisière et de la gare du Nord), il écrit
en une forme quasi versifiée : Quel enclos immense dans les murs de
Paris ! Il est beaucoup plus grand que le jardin des Thuilleries. Sur
l’emplacement des jardins situés derrière les hôtels de la rue du Faubourg St
Honoré, il précise : Enfilade d’Hôtels magnifiques. Du côté des
Buttes Chaumont, d’où l’on découvre tout Paris, il ajoute une note :
Tout ce terrain compris entre le Boulvard, la Route de Meaux et la Butte
Chaumont est couvert des restes cadavreux des animaux et des immondices de
cette vaste cité. Et il n’oublie pas de faire figurer les fourches
patibulaires de Montfaucon, survivance du plan de Delagrive car les derniers
vestiges de ce fameux gibet avaient été détruits à la Révolution.
De l’autre côté de Paris, c’est
le Château de Grenelle qui mérite une mention : Ici l’école Militaire
se déploie dans toute sa beauté au milieu de la campagne la mieux cultivée avec
son vaste et magnifique champ de Mars.
Le plan présente l’avantage de
donner une vue assez large de Paris et de sortir de l’enceinte des Fermiers
Généraux, ce qui permet d’avoir une représentation des petits villages de
Vaugirard, des Ternes, de Ménilmontant ou de Charonne au tout début du XIXème
siècle.
La ville a tant changé depuis
cette époque que c’est un vrai plaisir d’arpenter ce plan, comme aurait pu le
faire un badaud d’il y a deux cents ans, le nez en l’air, passant de la rue des
Trois Diamants à la rue des Terre-Fortes ou à la rue Taille-Pain qui
aboutissait fort opportunément dans la rue Brise-Miche...
Bonne Journée,
Textor