Affichage des articles dont le libellé est imprimeurs. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est imprimeurs. Afficher tous les articles

lundi 9 novembre 2020

Le Cavalier de Savoye (1605) et le Fléau de l’Aristocratie Genevoise (1606) par Marc-Antoine de Buttet, ensemble le Citadin de Genève (1606) : Quand Chambéry et Genève se faisaient la guerre à coups de libelles.

                                                                                                             Mise à jour le 24 Nov. 2023.

Genève, ville paisible en apparence, appartenait au duché de Savoie depuis 1401. Mais en 1535 les Genevois chassèrent leur évêque, Pierre de La Baume, et se révoltèrent contre le duc de Savoie pour ériger leur ville en république indépendante et adopter la religion réformée.  

Depuis cette époque, les ducs de Savoie tentèrent plusieurs fois, mais vainement, de s'emparer de Genève. A cette lutte par les armes succéda une guerre médiatique à coups de pamphlets, au cours de laquelle les Genevois cherchèrent à prouver qu'en se déclarant libres, ils avaient recouvré un droit qu'ils possédaient de temps immémorial. Les ducs de Savoie voulurent aussi établir les preuves de leur ancienne souveraineté sur la ville de Genève. On fouilla les chartes et les archives puis chaque partie publia les pièces qui devaient justifier de leurs prétentions respectives. Le Cavalier de Savoye est l'un des plus connus de tous ces pamphlets anonymes [1].

Page de titre du Cavalier de Savoye.

Exemplaire de l'édition originale couvert d'un simple vélin d'époque.

Tout commence par un libelle rédigé par Pierre de L’Hostal, gentilhomme béarnais calviniste, en 1604, et intitulé le Soldat François dont le but était de convaincre Henri IV de déclarer la guerre à l'Espagne. Les savoyards, alliés des espagnols, y sont maltraités et leur chef qualifié de petit duc audacieux… Il fallait laisser ce pygmée pour les grues qui passent en septembre… Mais qu’en personne un roi de France monte à cheval contre un duc de Savoye c’est ravaller son autorité et mettre sa grandeur à pied. Cette insulte méritait une réplique !

Marc Antoine de Buttet, avocat au Senat de Savoie, écrivit alors pour le duc un pamphlet intitulé Le Cavalier de Savoye, ensemble l'Apologie Sauoysienne, en 1605, dans lequel il répond au Soldat François en ce qui concerne la Savoie. Toutefois il eut la malencontreuse idée d’insérer dans son livre quelques pages virulentes contre Genève où il s'efforçait d'établir les prétentions du Duché sur la ville dont Charles-Emmanuel l n'avait pas réussi à s'emparer trois ans auparavant [2]. Cette digression n’échappa pas aux genevois qui ne pouvaient que répliquer vertement. Jean Sarrasin, syndic de Genève, fut chargé de réfuter l'ouvrage de Buttet par Le Citadin de Genève ou réponse au Cavalier de Savoye, Paris (Genève), chez Pierre le Bret, 1606. 

Deux mois après, paraissait Le Fléau de l’Aristocratie Genevoise ou harangue de M. Pictet, conseiller à Genève. Servant de response au Citadin, publié à la fausse adresse de Saint Gervais (1606). L’ouvrage est tout aussi anonyme que le Cavalier de Savoye, mais divers passages du livre attestent qu’il fut composé par le même auteur et le matériel typographique prouve qu’il provient du même imprimeur.

Jean Sarrasin ne répondit point au Fléau de l’Aristocratie parce qu'il refusa d'accepter, comme insuffisante, l’indemnité de cent ducatons que le Grand Conseil lui alloua pour le Citadin à condition qu'il réfuterait aussi le Fléau de l’aristocratie. L’échange des invectives s’arrêta donc là, non pas faute d’arguments mais parce que le nerf de la guerre faisait soudainement défaut.

Les deux libelles de Marc Antoine de Buttet

Une pièce liminaire d'Antoine Louis de Pingon

Les deux petits ouvrages que j’ai entre les mains sont intéressants car l’auteur inséra des documents importants pour l'histoire de la cité de Genève, transcrit de nombreux extraits d'anciens titres qui prouvaient que les comtes et ducs de Savoie étaient souverains de Genève. Ce sont donc des pièces capitales pour l’histoire de la Savoie au XVIIe siècle.

Cette série de pamphlets possède la particularité de contenir sur la page de titre un petit quatrain. Celui rédigé par le Cavalier de Savoye :

Je suis né dans les allarmes, / Mon harnois est ma maison: /Mais je déteste les armes / Que l’on prend hors de saison.

répond, par contrepied et non sans un certain humour, au quatrain du Soldat François :

La Guerre est ma patrie, / Mon Harnois ma maison, / Et en toute Saison / Combattre c'est ma vie.

Tandis que celui du Fléau est bien mystérieux et fait penser à une centurie de Nostradamus :

Alors qu'un posera deux / Pour un trois imaginaire. / Le grand Terpandre des Dieux / Se fera place au Sagittaire.

Mais nous ne l’avons pas retrouvé dans Nostradamus.

Les pièces liminaires du Cavalier, dans l’édition originale, sont constituées d’un envoi au Duc, d’une adresse à la Savoie et de petits poèmes signés de Jean de Piochet, sieur de Salins, un émule de Ronsard, et d’Antoine Louis de Pingon, tout à la gloire de l’auteur. Ces pièces ne seront pas reproduites dans les éditions postérieures. En effet, le succès du Cavalier entraina trois réimpressions.

La seconde édition est de 1506 et fut publiée à la fausse adresse de Bruxelles chez les héritiers de Jean Reguin. En réalité, elle est dû à Jean Arnand, imprimeur de Genève. Malgré la précaution qu’il prit à cacher son nom, le Conseil de Genève nota dans son registre des délibérations à la date du 24 Juin : Il est rapporté au Conseil que Jean Arnand a imprimé le Cavalier Savoyard, livre diffamatoire contre cest Estat, sans congé.  Arresté qu'il soit mis en prison pour en respondre.

La condamnation ne se fit pas attendre. Dès le surlendemain, 25 Juin, l'imprudent imprimeur est condamné à recognoistre sa faute céans à genous et à vingt-cinq escus d'amende.  Le Consistoire enchérit sur cette condamnation qui lui parait bien douce. Il estime que, pour cette faute, Arnaud aurait mérité de perdre la vie. 

La troisième (1606) et la quatrième édition (1607) ajoute au texte du Cavalier des extraits de la Première et Seconde Savoisienne.

Page de titre du Fléau de l'Aristocratie Genevoise.

L'adresse de l'imprimeur au Lecteur dans le Fléau


L’auteur des deux ouvrages ne s’est pas nommé mais on y vit l’œuvre de Marc Antoine de Buttet, avocat au souverain Sénat de Savoie. Cette attribution est reprise par Guichenon [3] et tous les biographes de la Savoie après lui [4]. Jusqu’au jour où Amédée de Foras, en 1874, auteur d’un armorial sur la Savoie, s’employa à remonter la généalogie de la maison de Buttet et s’aperçût qu’il n’existait aucun Marc Antoine. En revanche un autre membre de la famille, Claude Louis de Buttet, seigneur de Malatrait serait le véritable auteur du Cavalier. La supercherie aurait pu être découverte bien avant puisqu’un indice avait été glissé dans le Citadin de Genève qui, dès l’introduction de sa harangue, s’adresse à son adversaire en mentionnant en majuscule « et se BUTER MALADROIT qu’il est ». Ce jeu de mots est une allusion au seigneur de Buttet Malatrait mais elle avait échappé à tout le monde.

Marc Antoine de Buttet, qui se prénommait donc Claude Louis, ne doit pas être confondu avec son oncle, le plus illustre écrivain de cette famille, Marc-Claude de Buttet (1530-1586), poète natif de Chambéry et auteur de l'Amalthée. Marc-Claude de Buttet a lui aussi fait paraitre à Lyon un libelle destiné à défendre la réputation de sa patrie contre les Français, à la suite de l'occupation par François 1er. Ce libelle est intitulé : Apologie de Marc-Claude de Buttet pour la Savoie contre les injures et calomnies de Barthélémy Aneau (1554).

Ce qui est singulier, c’est qu’encore aujourd’hui dans les catalogues de livres anciens, le Cavalier de Savoye est toujours donné à Marc Antoine de Buttet [5]. Bien mieux, mon exemplaire relié au XIXème siècle pour un membre de la famille de Buttet qui y a laissé son ex-libris, postérieurement à 1874, porte au dos « Marc Antoine de Buttet » !

Exemplaire du Cavalier en provenance de la bibliothèque
 de la famille Prunier de Saint-André avec la devise Turris Mea Deus.

Le Fléau, exemplaire élégamment relié par Pouillet, relieur à Paris de 1880 à 1910, 
portant l’ex-libris d’un membre de la famille de Buttet dont les armes se blasonnent de sable aux trois butes d'or entrelacées, deux en sautoir et une en pal, accompagnées de la devise La vertu mon but est.

C’est sans doute ce morceau de bravoure qu’est le Cavalier de Savoye qui permit à Geoffroy Dufour, [6] imprimeur et libraire originaire de Barraux en Isère, alors possession du duché de Savoie, de devenir en 1606 imprimeur ducal, titre très convoité qui permettait au bénéficiaire de recevoir les commandes officielles des impressions législatives et lui donnait alors une sorte de monopole pour la ville de Chambéry. Le poste était vacant depuis le décès de François Pomar. La lettre patente du 3 octobre 1606 le qualifie de personnage instruit et très éclairé en ladite profession. Effectivement l’imprimeur ne devait pas manquer d’intelligence et d’humour à en juger par la préface qu’il donne dans le Fléau de l’Aristocratie genevoise. Il pousse assez loin les détails de la fausse information pour brouiller les pistes et il fait mine d’être l’imprimeur du Citadin de Genève et d’avoir dû donner la fausse adresse de Paris pour Genève, qu’il qualifie d’imposture, non pas de son fait, mais à cause de la coutume qu’ont les réformés d’en faire ainsi !

De son côté, l'auteur place ses propos sous la plume d’un certain Pictet, membre du Grand Conseil de Genève, à la date précise du 19 mars 1606. Nous ignorons s'il existait vraiment en 1606 un conseiller genevois nommé Pictet, mais il est certain que le Grand Conseil n’aurait jamais écouté une telle harangue sans interrompre promptement l'orateur et le jeter en prison illico ! C'est une trouvaille amusante que de faire plaider la déchéance de Genève par un membre de son propre conseil.

Parmi les pièces liminaires, on remarque une adresse à la France. L'auteur espérait sans doute qu'après avoir lu cette réponse au Citadin, Henri IV retirerait son appui aux habitants de Genève, ce peuple rebelle qui brave son souverain. L’objectif ne fut pas atteint mais le duc de Savoie, satisfait, offrit par lettres patentes à Claude Louis de Buttet la charge d’historiographe ducal « connoissant sa loyauté en ce que par cy-devant il a écrit sur ce sujet ».

Chronique de Savoye p.333 Inventions de grande conséquence


Au moins, cette guerre de position a-t-elle fait couler plus d’encre que de sang. Claude Louis de Buttet avait lu les méditations philosophiques de Guillaume Paradin dans la Chronique de Savoye, sur la guerre et la plume, il y fait allusion page 203 de son
Cavalier :

« Du temps de ce bon et pacifique prince furent inventées aux Allemagnes deux choses de très grande et inestimable conséquence ; dont la première qui est l’art de fabriquer, charger et tirer les bombardes et artillerie à feu, est d’autant pernicieuse, formidable, malheureuse et damnable, que l’autre est profitable, heureuse, salutifère et récréative, qui est l’art d’impression et façon de moller les écritures et livres, car celle-ci, par son excellence et noblesse, n’est autre chose qu'une douce paix, parfaite amour et entier plaisir. L’autre, au contraire, n’est sinon, un impétueux bruit, haine et importune fâcherie. Celle-ci ne contient que bien et profit, l’autre que mal, perte et dommage. En somme, l’impression court pour nourrir et sauver les humains, et la canonnerie ne cesse de tirer, pour les tuer et les envoyer à tous les diables. » [7]

Le Cavalier de Savoye ne filait pas le parfait amour mais il a tout de même préféré le plomb de la fonte d’imprimerie à celui du boulet....

Quant au Citadin de Genève, attribué à Jean Sarasin et Jacques Lect,[8] entré plus récemment dans notre bibliothèque, et dont il faut dire un mot, c’est une réponse au Cavalier de Savoye commandée par les syndics de la ville à l’un d’entre eux.  Jean Sarasin avait été plusieurs fois syndic, il était alors membre du conseil des deux-cents et du Petit Conseil. Fin diplomate, il avait été l'un des négociateurs, avec Jacques Lect, de la paix de Saint-Julien en 1603.

Page de titre du Citadin de Genève


Cet ouvrage nous donne une autre vision de la bataille et de ses protagonistes, vus de l’autre camp. Il se veut précis et il documente ses sources dans le détail, ce qui le rend précieux pour l’histoire de Genève et de la Savoie durant le conflit. C’est le complément nécessaire au Cavalier de Savoye.

Après une entame quelque peu excessive où le Cavalier est traité de « pestiféré crapaud » et de « pourri gosier » (!) démontrant ainsi que les genevois avaient été piqués au vif par le pamphlet et que la pertinence des arguments avait porté, la suite du texte se veut plus rationnel et plus démonstratif.

Plusieurs témoignages rapportés sur les évènements lors de la Nuit de l’Escalade sont pittoresques, comme le fameux exploit de la Mère Royaume qui jeta sa soupière sur les savoyards. Il semble que les genevoises aient fait preuve de beaucoup de courage lors de cette attaque prêtes à terrasser les assassins à l’aide de leur seule quenouille.

Passage citant la Mère Royaume

Jean Sarasin relève que « Les autres femmes se tinrent coites en cette nuit là dans leur maison et vaquèrent à leur prières et oraisons, sans qu’on ouït ni les pleurs, ni les hurlements que l’infirmité du sexe leur fournit en pareil cas…. Vers la porte de la Monnaie, il y en eut aussi une qui mit par terre son homme du haut des fenêtres d’une maison à grand coup de pierres et avec un fond de tonneau qu’elle lui jeta sur le cerveau. »

Pour relativiser l'importance que donnent les genevois à leur héroïne, symbole de la résistance patriotique au Duc de Savoie, il faut préciser que Catherine Royaume, née Cheynel, n’était pas genevoise mais lyonnaise et qu’elle s’était réfugiée à Genève avec son mari comme beaucoup de Huguenots….

L’exemplaire présenté du Citadin de Genève, bien que reprenant à la lettre, fautes comprises, sans tenir compte de l’errata qui figurait dans l’édition originale, parue à la fausse adresse de Pierre Bret en 1606, est en réalité une réédition du XVIIIème siècle. Copie soignée et plaisante dont les culs-de-lampe et les bandeaux sont à l’état de neuf et dans l’esprit des originaux. Il semble qu’aucune bibliothèque publique possédant cette édition ne se hasarde à proposer une date et un éditeur.  Il est pourtant curieux d’avoir pensé rééditer ce texte de circonstance, plus d’une centaine d’années après sa sortie. Il y a certainement une raison mais elle reste à découvrir….  

Bonne Journée,

Textor




[1] Voir Théophile Dufour, Notice bibliographique sur le cavalier de Savoie, le citadin de Genève et le

fléau de l’aristocratie genevoise, in "Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Genève". T. XIX, 1877, p. 14.

[2] Bataille de l’Escalade qui vit la victoire de la république protestante sur les troupes du duc de Savoie Charles-Emmanuel Ier le 12 décembre 1602 - dernier épisode de la lutte commencée en 1535.

[3] Samuel Guichenon, Histoire généalogique de la royale maison de Savoie, justifiée par titres, G. Barbier, 1660.

[4] Par exemple, Grillet, Dictionnaire des départements du Mont Blanc et du Léman, 180 t ;II p 112

[5] Voir par exemple le dernier catalogue de la librairie Bonnefoi de Sept. 2020.

[6] Dufour et Rabut, dans leur bibliographie des éditions savoyardes ne citent que très brièvement le Cavalier de Savoye dont ils n’avaient pas rencontré la première édition qui est très rare. (L’Imprimerie, les imprimeurs et les libraires en Savoie du XVe au XIXe siècle, p. 81)

[7] Guillaume Paradin, Chronique de Savoie, Lyon, J. de Tournes 1552 p. 333. Aimablement communiqué par Rémi Jimenes.

[8] Le Citadin de Genève ou Response au Cavalier de Savoye, Paris (Genève) Pierre le Bret, 1606. – Voir  le Dictionnaire biographique des Genevois et des Vaudois, II, p. 445 "pamphlet d'un style enflé et maniéré, dans lequel il prodigue l'injure, mais où il ne néglige aucun argument propre à défendre son pays et à mettre en évidence la bonté de sa cause"; et "Notice bibliographique sur le Cavalier de Savoie, Le Citadin de Genève et le fléau de l'aristocratie genevoise", in Mémoires et Documents de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Genève, XIX, pp. 318 à 343.

samedi 19 septembre 2020

Jean II de Tournes, imprimeur et plagiaire. (1602)

 En digne descendant de savoyards qui ont bien du participer ou subir les guerres incessantes que se livraient les rois de France et les ducs de Savoie entre les forts de Barraux et de Montmélian, je me devais de réunir les Chroniques de Savoye rédigées au XVIème siècle par Guillaume Paradin (1510-1590). Il en existe 3 éditions successives.

.

Le titre de l'édition de 1552


La première, qui est aussi la plus difficile à trouver en bonne condition, a été publiée à Lyon en 1552 par Jean de Tournes et Guillaume Gazeau. C’est un in-quarto qui a pour titre : "Cronique de Savoye par Maistre Guillaume Paradin chanoyne de Beaujeu". Le privilège du Roy a été accordé pour six ans et l’ouvrage est dédié à "Messire Jaque d’Albon, maréchal de France et gouverneur du Lyonnais". On y trouve tous les faits marquants du duché de Savoie depuis l’époque du légendaire Béralde jusqu’à l’année 1544 mais aussi l’une des premières descriptions des Alpes et de ses "Glaces prodigieuses".[1]

Jean de Tournes fut, semble-t-il, d’abord correcteur chez Sébastien Gryphe en même temps qu’Étienne Dolet avant de devenir lui-même imprimeur et libraire. Belle ascension sociale pour cet artisan talentueux que les biographes ont rapidement qualifié d’humaniste [2]. L’année précédente, en 1551, Jean de Tournes avait quitté la maison qui venait de sa belle-famille, les Gryphe, pour une plus riche demeure "à quatre arcz de bouticque", celle de la rue Raisin (à l’emplacement de l’actuelle rue Jean-de-Tournes), maison à l’enseigne des Deux Vipères. C’est alors apparemment son gendre et associé Guillaume Gazeau qui continua d’habiter dans la première maison.

 

Le privilège et la dédicace de l’édition de 1552

Le colophon à l'adresse de la rue Raizin

Cet ouvrage fut un gros succès de librairie et une seconde édition fut mise sous presse à Lyon dès 1561 par Jean de Tournes avec l’aide probable de son fils Jean, deuxième du nom. Cette édition, qui passa au format in-folio, est la plus belle des trois par la qualité du papier, l’encadrement gravé au titre (dit du cadre au Midas) et les nombreux tableaux généalogiques de la Maison de Savoie qui ne figuraient pas dans la première édition. Cartier nous dit que "le choix et l'emploi intelligent des fleurons et lettres ornées du meilleur temps de Jean de Tournes font de cet ouvrage une de ses plus belles productions" [3].

Elle est "reveuë et nouvellement augmentée par M. Guillaume Paradin, chanoine de Beaujeu, avec les figures de toutes les alliances des mariages qui se sont faicts en la maison de Savoye, depuis le commencement jusqu’à l’heure présente". Le travail de révision est considérable puisque le livre passe de 394 pages in quarto à 535 pages in-folio. On y trouve des descriptions beaucoup plus détaillées des batailles et des réceptions des princes de Savoie, des digressions sur différents sujets comme celui de savoir qui a rapporté la vérole du Nouveau Monde et des développements sur le "commencemens des émotions et troubles de la religion", le tout jusqu’à l’avènement d’Emmanuel-Philibert en 1554.



Trois pages de blasons de la seconde édition de 1561

Là encore le succès fut au rendez-vous et il est probable que dès la fin du privilège obtenu pour 3 ans, Jean II de Tournes imagina d’en éditer une nouvelle version. C’est lui-même qui nous le dit dans la préface de la 3ème édition, publiée seulement en 1602, soit 30 ans après la seconde : "Ceste seconde édition … ayant été encore mieux reçeuë que la première, et ne s’en trouvant plus, j’ay esté sollicité de plusieurs endroits de la remettre sur la presse. Mais la mort de messieurs les Paradins et les troubles de la France continuans  et se recevans l’un l’autre comme l’onde fait l’onde, m’ont osté jusques icy le moyen et le loisir d’y pouvoir entendre".

De fait, ce sont davantage les guerres de religions qui ont retardé Jean de Tournes plutôt que la mort de Guillaume Paradin qui n’est survenue qu’en 1590. L’imprimeur fait même une demande de privilège et l’obtient le 21 janvier 1574, ce qui prouve qu’il avait l’intention de sortir sa réédition à cette date. Il conservera ce privilège pour la 3ème édition qui lui donnait droit pour 10 ans de faire imprimer une Chronique de Savoye "continuée jusqu’en l’an 1601". Il est évident que le privilège donné 28 ans plus tôt par Charles IX n’est plus valable mais Jean de Tournes s’en moque bien puisqu’entre temps, il s’est réfugié à Genève pour échapper aux persécutions dirigées contre les partisans de la Réforme [4]. Bien qu'il soit désormais citoyen de cette ville, il continue d'arborer fièrement le titre d'imprimeur du Roi et ce privilège périmé de 1574 apparait sur différents ouvrages comme les Alliances Généalogiques des Princes de Gaule de Claude Paradin, frère de Guillaume, rééditées par Jean de Tournes en 1606.

Le privilège de l’édition de 1602 datée du 21 janvier 1574, rédigé en caractères de civilité

La troisième édition ressemble à la seconde avec le même encadrement de titre, à la gravure un peu usée, [5] et les illustrations de blasons devenus pour certaines anachroniques, puisque dans l’écusson de Savoie figurent encore les quartiers de Bresse, du Bugey, de Vaud, de Valroney et de Gex, tous perdus par le duché depuis 1601. [6] En revanche, le papier, dont je ne sais pas s’il provient de Genève ou d’ailleurs, est de très mauvaise qualité. Une vraie feuille de papier cigarette, jaunie par le temps, et dont tous les libraires devant présenter cet ouvrage se plaignent en remarquant que ce défaut est commun à beaucoup d’exemplaires.

Pages comparées du titre de la Chronique, éditions de 1561 et 1602.

Pages comparées du premier chapitre de la Chronique, éditions de 1561 et 1602.

Il existe une autre différence par rapport à la seconde édition : c’est un espace blanc laissé volontairement entre la marque à la vipère et le nom de l’imprimeur. Cet espace est destiné à recevoir un lieu d’édition. Mais le lieu n’a pas été imprimé. Il est soit resté en blanc, comme dans mon exemplaire, soit il a été complété par un tampon à l’adresse de Lyon, de Genève ou bien encore, sur certains exemplaires, de Cologny.

 Edition de la Chronique de 1602 à l’adresse de Cologny (Bibliothèque de Genève)

Où ce livre a-t-il été réellement imprimé ? Jean de Tournes avait-il une presse à Cologny qui n’était alors qu’une petite bourgade des environs de Genève ?

S’il avait imprimé depuis ce lieu, nous devrions trouver cette adresse sur d’autres livres sortis de ses presses. Or ce n’est pas le cas bien qu’on imprime beaucoup à Cologny entre les années 1602 et 1628. J’ai recensé pas moins d’une douzaine d’imprimeurs affichant ce lieu d’édition sur une trentaine d’ouvrages différents. Outre Jean de Tournes qui semble être le premier à avoir eu cette idée, on trouve Alexandre Pernet, Estienne Gamonet, François Le Fèvre, Isaac Demonthouz, Jacob Stoer, Matthieu Berjon, Philippe Albert, Pierre & Jaques Chouet, Pierre Aubert, Samuel Crespin, etc.

Le bruit des presses, les arrivées de ballots de papier et les envois de livres devaient certainement troubler la tranquillité des Colognotes…. si jamais il y eut un jour une imprimerie à Cologny. En réalité, il ne s’agit que d’un artifice humoristique pour déjouer la censure catholique, comme le sera plus tard la fausse adresse de Pierre Marteau. Le choix de cette place inconnue vient sans doute de son homonymie avec la ville de Cologne (Les deux villes se traduisent par colonia en latin [7]), bonne ville catholique celle-là qui ne risquait pas d’attirer les soupçons des autorités françaises ou savoyarde.  Jean II de Tournes avait sophistiqué le système en utilisant un timbre encreur et en changeant l’adresse selon la destination de son livre. Je prends les paris que l’adresse de Cologny était réservée aux exemplaires partant pour la Savoie. 

Un détail de la page de titre (1602)

Tableau généalogique de l’édition de 1602

Une lettrine gravée de la page de titre (1602)

La dernière chose qui frappe quand on lit attentivement cette Chronique de Savoye de 1602, c’est qu’une très grande partie des compléments de Jean II de Tournes ne sont qu’une reprise mot à mot d’un ouvrage publié l’année précédente par Lancelot Voisin, seigneur de La Popelinière, intitulé "Histoire de la conquête de païs de Bresse et de Savoye par le Roy Très-Chrestien Hanri IV". Il ne s’agit pas simplement de quelques coupés-collés, comme nous en faisons tous, mais de tous les développements sur la guerre qu’Henry IV livra à Charles-Emmanuel de Savoie, soit les feuillets 19 v° à 67 et dernier de l’œuvre du Sieur de la Popellinière, ce qui donnera 18 pages dans l’in-folio de Jean de Tournes ! [8]

Cet emprunt aurait pu donner lieu à querelle entre les deux auteurs mais il se trouve que le sieur de la Popellinière mourut assez vite après la publication de son ouvrage "d'une maladie assez ordinaire aux hommes de lettres et vertueux comme il estoit, à sçavoir de misère et de nécessité" [9]

Evidemment le plagiat ne passa pas inaperçu à l’époque et Jean II de Tournes dut s’en expliquer. Il aurait été élégant qu’il en fasse état dans la longue préface qu’il consacra à la 3ème édition de son livre mais il fallut attendre 4 ans après sa parution pour qu’il avoue à demi-mot ce pillage peu scrupuleux, et encore, ce fut dans l’ouvrage d’un autre auteur, en réponse à Marc-Antoine de Buttet qui avait éventé l’affaire dans le Cavalier de Savoye ou response au soldat françois.

Extrait du Cavalier de Savoye, Chambéry, Dufour, 1605


Jean de Tournes écrit dans
le citadin de Geneve ou Response au Cavalier de Savoye :

"Je suis attaqué par ce Cavalier à cause de la Chronique de Savoye, laquelle j'ay r’imprimée l'an 1602 et où il dit que j'ay destourné le sens de l'histoire, brouillé et confondu icelle annale. C'est une chose inouïe jusques icy, comme elle est aussi hors de toute raison, que l'on s'attaque aux Imprimeurs des livres au lieu de s'en prendre aux autheurs.  L'histoire que Monsieur Paradin a composée finit à la page 423 de ma dernière impression. Pour continuer ceste histoire jusques aux temps que la dernière édition en a esté faicte, j’ay recueilli de divers auteurs ce que j'y ai adjousté….  En ce qui concerne les guerres de France contre Savoye depuis l'an 1589, tant ès environs de Geneve qu'ailleurs, je l'ai pris entièrement de deux discours imprimez, l'un l'an1593, sans nom de l'auteur, l’autre l'an 1601 par le Seigneur de la Popeliniere. J'ai tous les deux en main pour en faire foy, si besoin."

Il se glorifie d’être un auteur dans la préface de la Chronique de Savoye mais redevient vite simple imprimeur lorsqu’il sent passer le vent du boulet. Jean de Tournes ne sort pas grandi de cette affaire puisqu’on en parle encore 420 ans après. D’ailleurs, Samuel Guichenon, historiographe de Savoie, après avoir loué les deux premières éditions de la Chronique, juge sévèrement la troisième en notant : "A cette chronique, Jean de Tournes ajouta un supplément …. Où il s’est montré peu étendu dans l’histoire. Aussi n’était-ce pas sa profession".

L’affaire est entendue !

Bonne journée

Textor



[1] Une réédition textuelle de cette première émission a été faite par les soins de Gustave Révilliod et Edouard Fick. Genève, Jules-guillaume Fick imprimeur, 1874.

[2] Voir Michel Jourde, Comment Jean de Tournes (n’)est (pas) devenu un imprimeur humaniste in Passeurs de Textes, Christine Bénévent,  Anne Charon,  Isabelle Diu,  et al. pp. 117-131.

[3] Voir A. Cartier, Bibliographie des éditions des de Tournes imprimeurs lyonnais, 2 t., Paris, 1937..., p. 141-142.

[4] Jean de Tournes quitte Lyon en 1585 après avoir vendu son matériel à Antoine Gryphe.

[5] Jean de Tournes apporta à Genève les planches gravées sur bois de ses éditions lyonnaises et il continua de les employer. (Gaullieur, Etudes sur la Typographie Genevoise 1855 p.212)

[6] Traité de Lyon signé entre Henri IV et Charles-Emmanuel le 17 janvier 1601

[7] Colonia Allobrogum pouvait être confondu avec Colonia Agrippina. Voir Gaullieur, Etude sur la typographie genevoise, Genève 1855.

[8] L’emprunt couvre les pages 451 à 468. Il est signalé par M. d'Arcollières dans sa notice Jean II de Tournes et le sieur de la Popellinière, Chambéry, Imprimerie Savoisienne, 1888.

[9] P. de l'Estoile, cité par M. Yardeni, La conception de l'histoire dans l'œuvre de La Popellinière, p. 111.

 

mercredi 26 août 2020

Alessandro Bindoni, l’imprimeur du lac Majeur.

Pour faire suite au précédent article sur une édition des Amours de Rinaldo de Montalbano publiée par Alessandro Bindoni et ses frères, en 1522, intéressons-nous à l’activité de cet atelier d’imprimeurs pour laquelle cette édition non recensée apporte quelques détails.

Alessandro Bindoni est né sur Isola Bella, une des iles Borromées sur le Lac Majeur, une ile d’à peine 20 Ha de superficie. Il fut le premier des frères Bindoni à s’installer à Venise et à y ouvrir une imprimerie, vers 1505. Sa première adresse était dans le quartier San Marco, "à Frezzaria, près de San Moysè", à l’enseigne de la Justice.

La marque d’Alessandro Bindoni, "A la Justice", sur le tarif des poids et mesures de Praxi, 1521.


Colophon de l’Innamoramento de Rinaldo du 2 décembre 1522


Son premier livre connu est daté du 4 Novembre 1506, c’est un tarif des poids et mesures par Bartolomeo Paxi, suivi, le 27 Novembre de la même année, d’une vie du bienheureux patriarche Josaphat converti par Barlaan[1], un petit ouvrage populaire sur la vie du Saint. Il est possible qu'avant cela, il ait imprimé d'autres feuillets populaires, mais sans adresse typographiques, qui - bien que reconnaissables comme étant sorties de son imprimerie - sont difficiles à dater. En 1507, il s'associe avec Nicolò Brenta da Varenna, dont l’atelier est "au passage de San Polo sur le cours Petriani"[2]. La collaboration dure deux ans (1507-1508), avant que Nicolo Brenta déménage provisoirement à Pesaro, puis de façon permanente à Rimini.

Ensemble, ils produiront des éditions sur des thèmes religieux : un Confessionnal du pseudo-Augustin (1er avril 1507), le Transit de Jérôme (13 avril 1507), la Règle du Tiers Ordre de Saint François (1507), la Statuta Firmanorum (17 mars 1508) et le premier livre de chevalerie, un Guérin mesquin[3] d’Andrea da Barberino (25 octobre 1508) connu par un seul exemplaire conservé au British Museum, que Alessandro Bindoni fera rééditer en 1512 et 1522.


Une page du Rinaldo

Après la dissolution de l’association, il poursuit seul l’impression de petits textes comme ces pamphlets vendus sur le pont Rialto, des feuilles de chansons, des estampes, etc. Son talent est suffisamment reconnu pour que Luc Antonio Giunta lui confie l’impression d’un Ovide en langue toscane ("Ovidio maggiore"), illustrée des figures qui ornaient les éditions de G. Rossi (1497) et C. Pensi (1502), toutes deux publiées par Giunta.

Son activité éditoriale s’accélère à partir de 1515, et surtout durant les quatre dernières années d’activité, preuve de l’importance prise par son atelier ; Plus de la moitié de sa production répertoriée a été imprimées en 4 ans seulement, entre 1519 et 1522 ; L’essentielle de celle-ci est en langue toscane. Très peu d’ouvrages théologiques mais des livres médicaux, comme ceux de Galien, des ouvrages de grammaire et de vocabulaire, quelques classiques comme les Métamorphoses d’Ovide. En revanche, les romans de chevalerie occupent une place de plus en plus importante. Sur les 85 titres recensés par le Word Catalogue dans les institutions publiques, pas moins de 11 titres concernent les aventures de Charlemagne, Orlando ou Rinaldo. Nous pouvons citer, outre le Guerino il meschino, le Morgante magiore qual tracta delle battaglie & gran facti de Orlando & de Rinaldo de Luigi Pulci (1515), Leandra Qual tracta delle battaglie & gran facti de li baroni di Francia composto in sexta rima de Pietro Durante (1517),  Il Mambriano istoriato de F. Bello (1518), le Cerva Biancha d’Antonio F. Fregoso, le Capitolo che fa vno innamorato a vna sua amante, l’Orlando innamorato  de Boiardo con i libri di Nicolò degli Agostini (1522), l’Innamoramento di Carlo Magno, et pour finir notre innamoramento de Rinaldo.

En 1520, Alessandro associe à son frère Benedetto et les éditions sont alors signées : "presso Alessandro e Benedetto fratelli de Bindoni". Parmi les éditions issues de leur collaboration, citons : Tristan et Iseut de Nicolò degli Agostini (1520) ; les Épîtres et les Évangiles qui sont lus toute l'année (1521) ; le Bovo d'Antona (1521) ; le Bellum gramaticale de A. Guarna (1522).



Quelques pages du Rinaldo de 1522, dernière œuvre d'Alessandro Bindni

Alessandro serait décédé à la fin de 1522 ou au début de 1523, selon les biographes. Dès 1523, on rencontre des impressions signées des héritiers Bindoni : "Presso gli heedi di Alessandro Bindoni".

Ce qui est certain désormais c’est qu’il vivait encore au moment de la publication de l’inamoramento de Rinaldo le 2 Décembre 1522. Ce livre constitue sans doute sa dernière production. Il avait précédemment imprimé 11 titres cette année-là, sur un rythme de presque un titre par mois : Le Libro devotissimo intitulato Information de langelo proprio ; des indulgences pour toute l’année ; le Bellum grammaticale d’Andrea Guarna, le 5 Mars ; Un roman de chevalerie de Barberino Guerrino pronominato Meschino,  le 11 Mars ; le  Morgante maggiore de Luigi Pulci, autre livre de chevalerie ; le Vocabularium breve de Gasparini Bergamensis, le 20 mai ; un Vocabulista ecclesiastico latino e vulgare de Giovanni Bernardo Forte ; le Leandra de Pietro Durante du cycle de Rinaldo, le 3 juin ; le Vocabularium vulgare cum Latino apposito nuper correctum de Niccolo Valla, le 7 Juillet ; un herbier en langue vulgaire, le 30 Aout ; et le dernier répertorié, en Octobre, au titre prémonitoire : Contrasto del vivo e del morto Io sono il gran capitano della morte che tengo le chiave de tutte le porte, du 10 Octobre.

Ce qui est curieux c’est que nous ne sommes pas renseignés sur la date exacte de sa mort mais que nous connaissons en détail les péripéties de la succession qui fut houleuse. Alessandro Bindoni avait visiblement constitué une association avec ses frères Benedetto et Agostino, tous les deux imprimeurs en leur nom propre par la suite. Cette structure juridique aurait dû continuer à fonctionner après le décès d’un des membres et les frères aurait dû reprendre les parts. Mais, Alessandro ayant été le seul à se marier, il fit un testament en 1521 attribuant à son fils Francesco la succession légitime de l’entreprise familiale. Pour Alessandro, il s’agissait de léguer sa part dans l’association à son fils, afin qu’il puisse continuer l’activité paternelle ; Francesco commence d’ailleurs à imprimer dès 1523. Mais la question du partage entre les deux frères et le fils est compliquée par une supposée donation de tous ses biens qu’Alessandro aurait faite de son vivant à ses deux frères. Ceux-ci réclament donc pour eux l’héritage. Finalement, l’exécuteur testamentaire, qui n’est autre qu’un libraire du nom de Piero Ravani, a gain de cause et rétablit le fils dans ses droits. Selon les règles de succession, Franscesco d’Alessandro Bindoni héritait de la part de la compagnie et les oncles et le neveu auraient pu imprimer ensemble. L’association a été visiblement rompue en raison du conflit qui a opposé les membres de la famille. Les frères comme le fils d’Alessandro décident d’imprimer chacun de leur côté, ce qui aboutit à une division du patrimoine familial.|4]

Les romans de chevalerie rimés des Bindoni se rencontrent rarement aujourd’hui. La plupart, sans doute victimes de leur succès à l’époque, ne se sont conservés qu’à très peu d’exemplaires. Il faudrait plus d’une vie pour rassembler la collection impressionnante de Monsieur L. dispersée le 28 Juin 1847. Les ouvrages de chevalerie en langue italienne et en ottava rima, regroupés sous le titre générique Belles-lettres, occupent 25 pages du catalogue et 128 numéros[5] !

Bonne Journée 

Textor.



[1] La vita del beato patriarcha Iosaphat conuertito per Barlaa” - Impressa in Venetia : per Alexandro de Bandoni (sic), 1506 adi XXVII de nouembrio.

[2] l transito di san Polo in corte Petriani

[3] Il Guerrino Meschino

[4] Catherine Kikuchi – « Transmettre à bon escient :  le rôle de l’héritage et de l’éducation  dans l’imprimerie vénitienne (1469-1530) » in Camenulae 20, mai 2018.

[5] N° 1028 à 1156, section des Poèmes Chevaleresques de la Table Ronde, de Charlemagne, des Douze Pairs, des Paladins, etc… https://books.google.it/books?id=BpxMAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false