dimanche 17 janvier 2021

Le Monde habité selon Denys le Périégète. (1478)

Samedi, début du couvre-feu. Cette assignation à résidence me donne des envies de voyages. Pas vous? Partir vers l’ouest, franchir les colonnes herculéennes, changer de beau temps. Heureusement, j’ai un livre dans la bibliothèque pour m’évader, celui de Denys d’Alexandrie dit le Périégète. 

Denys d’Alexandrie est un géographe grec du IIème siècle de notre ère qui vécut sous le règne d’Hadrien. Il écrivit un traité de géographie destiné aux élèves des écoles d’Alexandrie. Ce voyage poétique autour du monde habité (En grec, Periêgêsis tês oikoumenês) décrit les régions connues des grecs à son époque, c’est-à-dire l’Europe, les rivages de la Méditerranée et ses îles, l’Orient d’Alexandre le Grand. Denys offre une vision grecque du monde romain et une réflexion philosophique sur le rapport des hommes, des héros et des dieux [1].

La page d'incipit de l’édition de Franciscus Renner de Heilbronn, 1478.

Comme il était d’usage à l’époque pour certain textes scientifiques, sa description du monde fut écrite sous forme d'un poème didactique de 1187 hexamètres. C’est une tradition développée en Grèce à la suite des Travaux et des Jours d’Hésiode, un manuel pratique de techniques agricoles auquel se mêlent des considérations religieuses et philosophiques sur la condition des hommes. A l’époque hellénistique et gréco-romaine, alors que la prose s’est depuis longtemps imposée pour les textes savants, certains auteurs choisissent encore la forme de la poésie didactique. Il s’agit parfois d’un jeu littéraire où le poète affronte avec virtuosité un sujet technique. Mais parfois, on trouve un contenu scientifique réel traversé par une méditation philosophique. Tel est le cas des Phénomènes d’Aratus qui adaptent un traité d’astronomie ou de cette Description de la Terre Habitée.

Denys d’Alexandrie est un contemporain de Claude Ptolémée ou de Marin de Tyr; il composa son traité vers 124 après JC. et il choisit de mêler des descriptions topographiques avec des annotations historiques, ethnographiques et même minéralogiques. L’ouvrage était sans doute accompagné d’une carte, aujourd’hui perdue. Ce sera une des sources importantes de la géographie au Moyen-âge, traduite en latin par Rufus Festus Avienus dès le IVe siècle, puis par Priscien au VIe siècle, versions qui ont été conservées. Il continuera de jouir d’une grande popularité pendant tout le Moyen-âge et Begnine Saumaise en donnera une traduction en français en 1597.

L'édition princeps (Donc en grec, avec le commentaire d'Eustathe) a été publiée par Robert Estienne à Paris en 1547. Mais avant cela, plusieurs traductions latines ont vu le jour. La première est celle qui parut à Venise en 1477 chez Bernhard Maler, Erhard Ratdoldt, et Peter Löslein, en 42 pages, immédiatement suivie par la traduction de Beccaria, l’année suivante, sortie des presses vénitiennes de Franciscus Renner de Heilbronn, présentée ici. On trouve ensuite des réimpressions de la traduction de Beccaria en 1498 (Venise, de Pensis) et 1499 (Paris, Kerver) ainsi que des versions de la traduction de Priscien en 1497 (Rome), 1499 (Cologne et Deventer).

L’Europe est une ile que l’on peut contourner par les colonnes herculéennes. Gadira (Cadix) nous apparait tout d’abord, ville connue autrefois des Phéniciens qui redoutaient Héraclès (Hercule).

Marseille. La mer d'Ibérie se présente d'abord, puis les ondes Galatiques où s'étend la terre de Massalie, au port contourné.

Id est Corsica dans la Mer de Sicile.

Denys le Périégète est un compilateur de livres et de récits de marins. Il devait arpenter les quais d’Alexandrie et rêver de terres lointaines que les navigateurs avaient quelquefois cru voir. Il condense la science d’Erasthotène et les mythes d’Homère sur 36 feuillets de 26 lignes. Il y égrène les noms de lieux, de fleuves et de montagnes.  Une sorte d’aide-mémoire pour les élèves que le chant devait aider à mémoriser, comme pour nous les tables de multiplication psalmodiées.

Ce qui intéresse Denys, c’est moins le monde hellénistique, connu de tous, que les confins du monde habité, là où la terre en forme de trapèze s’enfonce dans l’océan, là où on aura le plus de chance de croiser les Argonautes, les nomades des steppes glacées de Scythie ou les Blemye, au sud de la terre noircie par le feu solaire.  

Au passage, il donne des indications sur des lieux jusqu’alors non décrits comme l’Irlande ou des détails sur certains rites celtes. Il s’intéresse aussi beaucoup à la minéralogie et ne manque pas de donner la localisation des pierres fines ou des minerais qui se trouvent dans les contrées traversées, l’ambre des Celtes, l’étain des galates. Il cite une rivière qui fait couler le cristal et le jaspe couleur de brume, odieux aux spectres et autres fantômes. D’autres quêtent incessamment le béryl vert de mer, le riche diamant, le jaspe au front luisant, la pierre aux yeux de feu du pur topaze ou la douce améthyste au léger éclat pourpre…

« Après eux (les Ibères), ce sont les Pyrénées et les demeures des Celtes, près des sources de l'Éridan aux belles eaux. Sur ses bords jadis dans la nuit solitaire, les Héliades gémissantes pleuraient Phaéton, et là, les enfants des Celtes, assis sous les peupliers, recueillent les larmes de l'ambre qui a l'éclat de l'or. À la suite sont les demeures de la terre Tyrsénide (Tyrrhénienne), à l'orient de laquelle on voit commencer les Alpes, et du milieu d'elle les eaux du Rhin roulent au bout (du monde), vers les flots de la boréale Amphitrite.» [2] 

« Près (des îles Bretanides), il est un autre groupe d'îlots, et sur la côte opposée, les femmes des braves Amnites célèbrent en des transports conformes au rite les fêtes de Bacchus, elles sont couronnées de corymbes de lierre, et c'est pendant la nuit, et de là, s'élève un bruit, des sons éclatants. Non, même dans la Thrace, sur les rives de l'Absinthe, les Bistonides n'invoquent pas ainsi le frémissant lraphiotès; non, le long du Gange aux noirs tourbillons, les Indiens avec leurs enfants ne mènent pas la danse sacrée du frémissant Dionysos, comme en cette contrée les femmes crient : Evan ! » [3]

Terra Omnis

Par delà la Caspienne, les Macrones de Colchide.

Le texte s’est prêté à de nombreuses exégèses, comme celle d’Eustathe de Thessalonique au XIIème siècle et à des paraphrases [4].

Si nous cherchions à dessiner la carte du monde tel que décrit par le Périégète, nous aurions vite l’impression d’être au milieu d’un labyrinthe car l’abondance des repérages est trompeuse. Il utilise la course du soleil et le souffle des vents pour situer telle et telle contrée, laquelle est au-delà de telle autre, ou « fort loin » en remontant un fleuve. Il en appelle aux Muses pour tracer la route : « Dites-moi les chemins et obliques détours, mignonnes, servez-moi de fanal et de guide ». Il faut se positionner comme derrière une caméra qui balayerait l’espace pour suivre la progression du voyage : « Et considère, depuis cet endroit, de nouveau tourné vers les ourses, le large chemin de la Mer Egée ».

Alors nous finissons par être un peu perdu à tourner la carte mentale dans tous les sens mais peu importe, les innombrables épithètes qui singularisent une description la rendent pittoresque et les disgressions donnent un tour philosophique à sa description du monde et des peuples rencontrés. C’est un voyage intérieur dans le monde antique.

Les bateaux ne partent pas que des ports, ils sont poussés par un rêve et en cette fin de XVème siècle, on rêve beaucoup d’horizons lointains dans les ports de Méditerranée, à Venise comme à Gênes ou à Lisbonne. Franscicus Renner de Heilbronn l’a bien compris. Il imprimait en association avec Nicolas de Frankfort jusqu’en 1476, essentiellement des livres religieux, mais en 1478, il semble s’être séparé de son associé et change sa politique éditoriale pour des livres scientifiques. Sortent de ses presses, la même année 1478, le De Situ orbis du Périégète, le De Sphæra mundi de Sacrobosco complété de la Theorica planetarum de Gérard de Crémone, ainsi que la Cosmographia de situ orbis de Pomponius Mela. Un riche amateur fera relier les trois premiers titres ensemble sous une reliure de daim.

 

Colophon de Franz Renner

La reliure d’époque est en feutre de daim sur ais de bois avec des restes de cabochons et de fermoirs de cuivre.

C’est dans cette profusion de livres de voyages et de cosmographie que seront nourris les projets des navigateurs. Quatorze ans après la sortie de ces trois livres, Christophe Colomb découvrira les Indes Occidentales.

Bon Dimanche

Textor



[1] Pour une traduction moderne du texte grec comparé à la traduction de Bégnine Saumaise au XVIème siècle, voir Christian Jacob, La description de la terre habitée de Denys d’Alexandrie, Paris Albin Michel, 1990.

[2] In Extraits des auteurs grecs concernant l’histoire et la géographie des Gaules, traduction d’Edmond Cougny, Paris, Librairie Renouard, 1878, numérisé sur Gallica.

[3] Idem préc.

[4] Voir les extraits d’Eustathe dans l’ouvrage de Ed. Cougny op. préc.

jeudi 31 décembre 2020

Les lettrines ornées d’un antiphonaire du XVème siècle.

Je propose de terminer l’année en musique, non pas pour fêter celle qui s’achève mais pour espérer que la prochaine soit moins terrible.  Alors j’ai choisi un cantique de circonstance, le psaume 17, Circum Dederunt.



Les pages de cet antiphonaire étonnent par la décoration de leurs lettrines ornées.

Ponctuer les entames de phrases ou de paragraphes d’une initiale plus grande que le corps du texte correspond à un besoin pratique que l’antiquité romaine semble avoir ignoré. Cette lettre est un repère et un guide pour le lecteur ; c’est une articulation du texte. Avant le Moyen-Age, les textes de l’Antiquité étaient rédigés sans séparation entre les mots et sans ornement particulier des initiales, il fallait toute la dextérité du lecteur pour déchiffrer le texte, mais sans doute était-il habitué à ce bloc compact.

Les premiers exemples de lettres ornées remontent au VIe siècle, mais c'est à partir du Xe que l'ornementation des manuscrits devient une pratique courante chez les copistes. A l’aspect pratique s’ajoute alors une dimension décorative qui parait ne correspondre à aucune codification. Chaque scriptorium, et dans celui-ci chaque enlumineur, propose ses propres créations. À l'extraordinaire liberté de l'époque romane succède, à partir du XIIIe siècle, une certaine standardisation imposée par la demande croissante de fabrication de manuscrits. Les formes et les couleurs sont plus sobres et les motifs fantaisistes, les animaux fantastiques ou les figures grotesques tendent à se raréfier [1].

Les pages ici présentées sont plus tardives, possiblement du XIVème ou XVème siècle mais cela n’a pas empêché le copiste de laisser quelques messages humoristiques au fil des lettrines. Sans doute que les moines de l’abbaye qui ont utilisé cet antiphonaire comprenaient bien mieux que nous le sens de ces petits croquis et les éventuelles allusions cachées qu’ils contiennent.

Une haste figurative.

La page débute par un grand C rouge filigrané. La lettre filigranée est une invention du XIIe s. Elle consiste en une initiale de couleur entourée de motifs filiformes exécutés sans pleins ni déliés. Cette lettre serait assez commune s’il n’y avait pas au bout d’une haste contournée en accroche-cœur une petite tête de profil, à la manière des grotesques du Pont-Neuf, qu’on dénomme drôlerie.

Nous lisons dans les meilleurs ouvrages sur les lettres ornées que l’image nous renseigne sur la lecture du texte auquel il sert d’explication et d’illustration. Ici, je n’aurais pas nécessairement pensé à dessiner une drôlerie pour introduire une phrase qui dit « Circum dederunt me gemitus mortis, dolores inferni circumdederunt me et in tribulatione mea invocavi Dominum » (Les gémissements de la mort m’étreignaient, les douleurs de l’enfer m’étreignaient, et dans mon épreuve j’ai invoqué le Seigneur.) mais bon [2]


Lettrine L à décor de chanteurs

Suivent des lettrines qui entrent dans la catégorie des lettres historiées qui, comme leur nom l’indique, nous racontent une histoire. Il reste à interpréter le sens du dessin, chose plus ou moins facile selon les motifs. Ainsi ces deux personnages qui encadrent une lettre L chantent à tue-tête, toute langue dehors. Ils sont coiffés d’un couvre-chef dont nous ne voyons pas le sommet mais qui est ouvragé à sa base. Il semble que ce soit une sorte de mitre ou de tiare. L’intérieur de la lettre elle-même fait penser aux fanons qui ornent les mitres.

La mitre est une coiffe liturgique, distinctive des hauts prélats de l'Église catholique romaine ayant charge pastorale, c'est-à-dire les évêques et les abbés, mais il n’existe pas de distinction de forme entre les mitres des abbés et celles des évêques. La mitre apparaît en Occident au cours du XIIème siècle, elle est portée durant les cérémonies. Toujours formée de deux cônes avec fanons, plus ou moins ouvragés selon les époques et les périodes liturgiques. La mitre simple était portée le Vendredi saint et pour les offices des défunts.

Sans doute ces visages représentent des dignitaires de l’Eglise qui ne devaient pas souvent s’égosiller de la sorte, ce qui confère à la scène un aspect humoristique. La tête de la partie gauche, aux traits précis, fait penser au portrait d’un personnage réel. L’usage était davantage de styliser les visages et non de chercher une ressemblance mais ce profil ainsi qu’un ou deux autres sur ces pages est tellement réaliste et différent de son vis-à-vis qu’il fait penser à un portrait.

 

La lettrine Q au moine bénissant

Quelques lignes plus loin, enfermé dans une lettre Q, un homme tonsuré et en habit de moine fait le signe de la bénédiction. Il porte une petite barbe du genre collier. Je ne sais trop quoi penser de ce moine barbu. S’agit-il d’un autre trait d’humour ?

L’église préconisait que les clercs soient glabres [3]. A l'exception des ermites, moines et prêtres doivent sacrifier leur barbe et porter tonsure en signe de renoncement au monde et d'humilité. Cette législation canonique a cependant été débattue au sein même de l'Église catholique. Au XVIe siècle, les protestants désignèrent les membres du clergé catholique sous le nom de « rasés », signe d'une soumission au pape, mais aussi d'une contre-nature : l'homme est barbu et marié, tandis que le clerc catholique est glabre et chaste. Le fait est que l’iconographie du XVème siècle ne présente pas de moine barbu. Mais vous pouvez peut-être m’apporter la preuve contraire.

Entourant ce moine, deux profils de personnages plus stylisés, coiffés de chapeau de feutre à rabats comme en portait Louis XI. Qui se fait bénir ? Le lecteur ou ces deux personnages? Les commanditaires du livre, peut-être. 

La lettrine aux poissons.

Une autre lettre, un S,  représente un personnage, également coiffé d’un chapeau à rabats, qui semble absorbé dans la contemplation d’un beau poisson. Le côté opposé de la lettrine est entièrement occupé par un autre poisson. Qu’elle est donc la signification de ce dessin ? Certes, le poisson est omniprésent dans la symbolique des premiers chrétiens, et les évangiles traitent de la pêche miraculeuse, mais il semble que la présente représentation soit plus anecdotique.   L’abbaye possédait-elle une pêcherie ?

La lettrine à la belle captive.

Mais de toutes les lettres figurées sur ces pages, c’est la dernière qui est la plus étonnante et la moins facile à interpréter. C’est aussi la plus volumineuse car elle regroupe 4 personnages dont une femme. Celle-ci parait jeune, elle porte de beaux cheveux longs, la taille est fine et la gorge décolletée. Sa robe est richement brodée et sa ceinture décorée de motifs circulaires, peut-être des cabochons. Elle est un peu en retrait, comme enfermée dans la lettrine. Est-ce une sainte ou une tentation du diable ? J’hésite.

Autour d’elle, deux personnages. A droite, un seigneur à l’air hautain, richement habillé, chapeau à rabats et vêtements décorés, à gauche un prélat, le bras tendu. Et au-dessus de la damoiselle un horrible personnage à la figure rouge, habillé d’une tunique simple, lassée à l’avant, tête nue. Un paysan peut-être, ou une représentation du Diable.

Le diable ?

Quelle est la scène représentée ? Difficile à dire. Est-ce une simple juxtaposition de figurines décoratives sans signification ou bien la représentation d’un évènement et de personnes ayant réellement existés. Un mari trompé, une femme séduite par le prélat ? Je vous laisse avancer les hypothèses. Pour vous aider, je vous donne le texte du psaume que cette lettre  Q entame : "Quoniam non in finem oblivio erit pauperis patientia pauperum non peribit in aeternum exsurge domine non praevaleat homo".

La répétition inlassable des psaumes copiés dans le scriptorium était une tache plutôt pénible et ce moine-copiste aurait sans doute préféré peindre une chapelle de l’abbatiale. C’est sa façon à lui de sortir de l’anonymat et de laisser une trace de son passage, comme cet autre moine qui écrivit dans la marge d’un livre :

« Saint Patrick d'Armagh, délivre-moi de l'écriture. L'écriture est une corvée excessive. Elle vous fait courber le dos, elle obscurcit la vue, elle vous tord le ventre et les côtés. Encre fluide, mauvais vélin, texte difficile ; Dieu merci, il fera bientôt nuit. C'est triste ! Ô petit livre ! Un jour viendra où, en vérité, quelqu'un sur votre page dira : la main qui l'a écrite n'est plus. Maintenant, j'ai tout écrit : pour l'amour du Christ, donnez-moi à boire". [4]

Bonne Année 2021 !

Textor



[1] Voir BNF, L'image dans les manuscrits par Danièle Thibault et Cécile Cayol in L’aventure dans les écritures. http://classes.bnf.fr/ecritures/arret/page/textes_images/01.htm. Ainsi que l'article d'Erik Kwakkel consacré aux "grumpy faces" sur son site Erik Kwakkel • Grumpy faces In medieval times

[2] Les psaumes de ces deux pages suivent l’ordre suivant : Ecce virgo, Circum dederunt me, Diligam te domine, Adjutor in, Quoniam non in.

[3] Marie-France Auzépy « Tonsure des clercs, barbe des moines et barbe du Christ » in Histoire du poil (2017), pages 81 à 103

[4]St. Patrick of Armagh, deliver me from writing. Writing is excessive drudgery. It crooks your back, it dims your sight, it twists your stomach and your sides. Thin ink, bad vellum, difficult text ; Thank God, it will soon be dark. This is sad ! O little book ! A day will come in truth when someone over your page will say, the hand that wrote it is no more. Now I’ve written the whole thing: for Christ’s sake give me a drink." (Michael Camille, in Images of the Edge : The Margins of Medieval Arts. London, Reaktion Books, 1992)


dimanche 27 décembre 2020

Les statuts d’Amédée VIII, La vie quotidienne en Savoie au XVème siècle.

S’il est un document qu’il est utile d’étudier pour comprendre le fonctionnement de la société en Savoie au XVème siècle, ce sont les Statuts promulgués par Amédée VIII en 1430.

Le premier duc-pape, surnommé le Pacifique, est un prince législateur alors que ses prédécesseurs préféraient davantage guerroyer. Les Statuta Sabaudie ou statuts de Savoie rassemblent des textes issus de multiples lois jusque-là en vigueur dans le duché notamment ceux déjà promulgués par Amédée VIII en 1403 et 1423 en matière de police des mœurs et de fonctionnement de la Justice. Il les intègre dans un ensemble plus important et plus cohérent sur toute l’administration du Duché et son organisation judiciaire, avec l’idée principale de garder le contrôle sur ses sujets et d’affirmer son pouvoir. [1]

Amédée VIII et ses barons. Page de titre de l’édition de Jean Belot, 1512

La reliure de l’édition de 1505, qui révèle un usage intensif de l'ouvrage.

Divisé en cinq livres, cet ensemble de textes est un véritable témoignage sur la vie quotidienne en Savoie au XVe siècle. Ils concernent la police des cultes, les conseils ducaux et la justice, le statut des notaires et la réglementation des arts libéraux, le tarif des actes, et jusqu’aux codes vestimentaires et au train de vie de toutes les classes sociales. Composés de 377 articles, ils représentent le plus important document juridique savoisien jusqu'aux Royales Constitutions de 1723 [2].

Les Statuta Sabaudie furent imprimés, pour la première fois en 1477 par Johannes Fabri à Turin, puis en 1487, 1505 et 1512 (l’édition de 1497 n’étant pas considérée comme une nouvelle édition car elle contient des édits postérieurs aux Statuts de 1430). J’illustrerai cet article avec l’impression de 1505 chez Francisco de Silva à Turin, complété d’un supplément chez le même éditeur daté de 1513, et l’édition de 1512 chez Jean Belot, à Genève, avec son complément des édits de Charles II, imprimé chez un autre éditeur, Jacques Vivian, en 1513 également.

Cette œuvre législative, parmi les plus intéressantes du Moyen-âge, fut élaborée à Genève en présence des grands personnages de l’Etat, parmi lesquels ont comparu, comme témoins : Gaspard de Montmayeur, maréchal de Savoie, Miolans Coudrée, Henri du Colombier, Lambert Oddinet, président du conseil ducal, Claude du Saix, Président de la Chambre des comptes de Savoie. La rédaction est confiée aux jurisconsultes, Jean de Beaufort et Nicod Festi, premier secrétaire du Conseil ducal, originaire du bourg de Sallanches.

Pour préparer cette réunion, Amédée VIII avait convoqué à Thonon, au début du mois de Mai, le chancelier Jean de Beaufort et quelques conseillers de sa garde rapprochée. La mise au point du texte prit une quinzaine de jours, entre le 15 mai, date d’arrivée du Duc à Genève et le début Juin. Le choix de Genève était curieux car la cité épiscopale n’était pas directement placée sous l’autorité du Duc. D’ailleurs, il fallut ensuite se déplacer de Genève à Chambéry pour promulguer officiellement le texte, le 17 Juin, au château ducal, toutes portes ouvertes, en présence du peuple assemblé et des notables de la Ville.

La page de titre de l’édition de 1512 chez Jean Belot à Genève [3] est ornée d’un grand bois représentant le duc Amédée VIII en majesté, entouré des personnages cités plus haut, avec, à ses pieds, l’écu de Savoie, tenu par trois lions, entouré par le collier de l’Annonciade sur lequel figure la devise ducale « Fert ».

Prologue et profession de foi du Duc. Edition de 1512.

La liste des témoins à la promulgation des statuts du Duc Charles, à Annecy le 10 Octobre 1513 et imprimés par Francesco da Silva le 14 novembre 1513 à Turin.

Colophon de Jean Belot qui exerçait son art près de la cathédrale St Pierre, à Genève (Ante S. Petrus).

L’ouvrage était fort utile aux juristes et le présent exemplaire est passé entre les mains de plusieurs d’entre eux dont un certain sieur Villare, qui se désigne comme frère du chatelain de Chambéry et bon praticien. Sans doute lui-même un juriste de l’entourage du chatelain qu’il serait intéressant de retrouver. 

 

L’ex-libris de Villare, frère du chatelain de Chambéry (Ed. de 1505).

Dans le chapitre concernant l’administration du duché, les Statuts établissent précisément les attributions des baillis et des châtelains, véritables représentants du duc dans sa province. Le bailli transmet les ordres ducaux et contrôle l’activité des châtelains ; il y avait, en 1430, 14 bailliages dans les Etats de Savoie qui, eux-mêmes étaient divisés en une centaine de châtellenies à la tête desquelles le châtelain est responsable de la perception des revenus ordinaires (redevances en nature ou en argent), extraordinaires (après accord de l’assemblée des Trois Etats) et affermés (pour les terres princières mises en fermage). Il leur incombait également le maintien de l’ordre public. Les statuts sont très détaillés, allant jusqu’à préciser l’obligation pour les chatelains d’habiter dans leur château, situé au chef-lieu de la châtellenie, et de ne pas être originaires de la région dont ils ont la charge !

 

L'assignation à résidence des Chatelains.

Les Statuta Sabaudie, une affirmation de la puissance ducale.

L’aspect le plus original de cette œuvre législative est la volonté d’Amédée VIII d’asseoir sa souveraineté et de prendre le contrôle sur les seigneurs féodaux. Le régime du servage, cette relation complexe qui attache un paysan de manière exclusive à son seigneur, en est une bonne illustration. A la fin du Moyen Âge, il y a deux raisons d’être tenu pour non-libre : 1°) l’hommage, c’est-à-dire l’appartenance exclusive à un seigneur qui était aussi une sorte de protection.  2°) la taillabilité ou condition de mainmorte, c’est-à-dire la soumission à une charge réputée servile. Le servage est tantôt présenté comme étant un lien, tantôt comme une charge. Un paysan qui voulait échapper à la charge de tel impôt local pouvait être tenté de demander la protection d’un seigneur de rang supérieur.

Or Amédée VIII n’étant pas le maitre direct des serfs du Duché, compte tenu de toutes les juridictions intermédiaires, les Statuts préfèrent traiter de la relation de souveraineté du seigneur sur ses sujets plutôt que de servitude.  C’est pourquoi il ordonne aux marquis, comtes, barons, bannerets et autres seigneurs exerçant la justice de faire en sorte que dans les lieux où ils exercent des droits de juridiction, leurs officiers appliquent ses Statuts à leurs sujets et justiciables [4]. Le principe de la souveraineté du Duc qui prime sur les pouvoirs des autres seigneurs, aboutit à gommer la relation exclusive du serf à son maitre. Si les Statuts de Savoie n’abolissent pas le servage, ils contribuent à l’affaiblir considérablement [5].

Des conseils à la résidence de Chambéry et de Turin.

Lutte contre les hérétiques.

Inséré immédiatement après le prologue et la profession de foi qui ouvrent les Statuta Sabaudie, l’article concernant les hérétiques, les sorciers et les invocateurs de démons occupe une place notable dans le texte. La répression des pratiques démoniaques fait partie de la justice quotidienne mais elle est plus importante en Savoie qu’ailleurs [6].

Conséquence d’un contrôle religieux et moral exercé sur des populations faiblement ou mal christianisées, qui conservaient des croyances et des pratiques hétérodoxes, c’est aussi un moyen de supprimer toute opposition politique. (Le procès de Jeanne d’Arc a lieu en 1431, un an après la publication des Statuts en Savoie). L’implication ducale dans la répression du crime de sorcellerie et d’autres déviances magiques a été forte. Il a été le premier souverain temporel à légiférer sur ce crime au nom de la défense de l’orthodoxie chrétienne. Le contour des pratiques est assez flou et vise ensemble les jeteurs de sorts (« sortilegi »), les sorciers (« malefici »), les devins (« divini »), les astrologues (« mathematici »), les invocateurs de démons, les blasphémateurs, les guérisseurs, tous qualifiés d’hérétiques. Les tiers en relation avec ces hérétiques sont poursuivis également.  

Cette justice étant en principe l’apanage de l’Eglise, le duc justifie son ingérence par le souci de prêter main forte à la justice ecclésiastiques (« via iusticie et interdum militari potencie) et il insiste sur le volet répressif dans un domaine qui touche la paix publique. La prolifération des blasphèmes amène pestes, tempêtes, tremblements de terre et famine (« propter talia enim delicta, pestilencie, tempestates, terremotus et fames fiunt »). Les tiers en relations avec les hérétiques sont également poursuivis.

Tout ce qui touche à l’atteinte à l’othodoxie doit être traité avec rapidité. La procédure est sommaire, justifiée par l’urgence et l’évidence de la cause. (« summarie, simpliciter et de plano, sine strepitu et figura iudicii » - de manière sommaire, simplement et sans le vacarme ni la forme des procès). On évite de perdre son temps avec des procédures écrites, la question permet d’obtenir des aveux rapides.

C’est ainsi que Jean Lageret, président du conseil de Savoie et proche conseiller du duc, un bourgeois à l’ascension sociale et politique fulgurante, fut accusé d’avoir fait fabriquer par un médecin grec deux sceaux au signe astral du lion et du scorpion et trois statuettes dont l’une représentait un buste d’homme couronné, à l’image d’un souverain, visiblement destiné à envouter le duc et à s’attirer ses faveurs. Le procès eut lieu au Bourget et Jean Lageret est condamné à la décapitation pour crime d’astrologie [7]. Il est cocasse de rappeler qu’Amédée VIII réprime l’astrologie alors que la date du mariage de ses parents, le comte Amédée VII de Savoie avec Bonne de Berry, en 1377, avait été choisie par élection astrologique, effectuée par Thomas de Pizan, l’astrologue-physicien du roi Charles V…

A noter que la condamnation à la peine capitale s’accompagnait d’une confiscation des biens partagée entre le duc et l’inquisition et que la question du budget de la justice est ainsi résolue.

Enfin, le dernier paragraphe de cette section sur les hérétiques interdit tout usage et possession de livres ou d’écrits relatifs à ces arts (soit magie, divination et astrologie mais le texte ne précise par l’étendue desdits arts.). Les possesseurs de livres risquent potentiellement le bûcher en tant qu’ennemis de la foi, au-delà de la privation et de la destruction certaine de leurs ouvrages.

 

Des Hérétiques et des Sortilèges.

 Statut de la communauté judaïque.

Un autre aspect notable des Statuta Sabaudie est la place importante donnée à la réglementation de la communauté juive. Seize articles du premier livre traitent des rapports entre cette communauté et le reste de la population chrétienne, mélange ambivalent de protection et de privilège mêlé de ségrégation. La communauté juive étant au centre de la vie économique par son activité de prêteur de deniers, elle constituait un puissant instrument politique qui le Duc voulait contrôler. Certains quartiers des villes sont réservés aux juifs et le port d’un signe distinctif est obligatoire. L’article 5 prévoit l’institution d’un ghetto afin de séparer les familles juives du reste de la population et d’éviter de « dangereux mélanges » (dampnatas commixtiones).

Le désir de contrôler la communauté est certainement antérieure aux Statuts mais le privilège ducal ayant facilité leur installation, leur arrivée relativement récente, notamment dans les villes du Piémont, s’était heurté aux législations municipales. Il en résultait des conflits de juridictions qui obligèrent le duc à rappeler à ses officiers que les statuts ducaux primaient sur toute autre législation municipale ou épiscopale. [8]

Les costumes savoyards.

Enfin, la partie la plus étonnante de ces Statuts est certainement le livre V traitant des codes vestimentaires avec un luxe de détail qui montrent à quel point la société savoyarde était hiérarchisée. [9]. Chaque classe sociale devait pouvoir être distinguée par son habit et la qualité des étoffes (Statuts V, 1 à 10).

Le drap d’or est réservé au Duc et aux membres de sa famille [10], le velours d’argent aux barons, le velours broché aux barons écuyers, l’écarlate aux bannerets qui ont interdiction de porter du brocard ou de l'hermine, la soie aux vavasseurs-écuyers. Les docteurs de nobles naissances « peuvent porter des robes de damas fourrées de ventre de martre », le satin aux docteurs en droit roturiers, et à certains hauts fonctionnaires comme le trésorier général ; les licenciés in utroque avaient droit au camelot, mélange de soie et de cachemire ; les bourgeois portaient l’ostrade (laine) et ainsi de suite. Cette même différence devait pouvoir s’observer chez les épouses de ces différents personnages.

Les tenues vestimentaires des grands dignitaires. 

Le costume des paysans, pas plus de 8 gros.

La liste se poursuit pour l'ensemble des fonctionnaires et artisans du duché. Les artisans devaient se contenter d’une étoffe valant 20 gros de Genève l’aune. Comme on sait que le Duc payait ses étoffes d’or 42 ducats, soit 882 gros de Genève, cela donne une idée de la pyramide des revenus.

Enfin, « l'habit des paysans doit être court, le prix de l'aune de l'étoffe qui le compose ne doit pas dépasser huit gros, celle employée au capuchon, douze gros ».

Modèle de société hiérarchisée et rassurante reflétant la vie en Savoie au XVème siècle ou projet de société idéale, codifiée dans ses moindres détails, les Statuts d’Amédée VIII représentent principalement l’affirmation des pouvoirs du Prince dans ses Etats. 

Bonne journée

Textor


Annexe : les différentes éditions des Statuts jusqu’en 1586.

Pour le bibliophile, l’histoire des éditions successives n’est pas facile à reconstituer – impressions incunables mal identifiées, seconds tirages d’une même édition, ajouts de feuillets, imprimés postérieurement, etc [11]

Les statuts promulgués en 1430 par Amédée VIII ont été imprimés 6 fois au XVème et XVIème siècle. L’édition princeps est celle du 17 novembre 1477 à Turin par l’imprimeur Johannes Fabri. L’ISTC de la British Library en recense plus de 30 exemplaires.  Dans cette première édition on trouve déjà, à la suite des statuts de 1430, d’autres statuts promulgués successivement (à parti de 1475).

La seconde édition fut imprimée 10 ans après, en 1487, par l’imprimeur Jacobinus Suigus. L’édition princeps était en effet très fautive et ce nouvel opus avait pour objet de donner une édition corrigée.

L’impression de 1497 n’est pas une nouvelle édition des statuts de 1430, mais simplement l’édition de statuts successifs. Le fait est que cette édition se trouve le plus souvent reliée avec celle de 1487. Si on examine l’ouvrage rapidement (en regardant uniquement la première et la dernière page) on pourrait croire qu’il s’agit d’une édition des statuts de 1430 imprimée en 1497.

La troisième édition est celle imprimée par Francesco da Silva le 28 avril 1505 à Turin. Cette nouvelle édition est l’occasion d’une importante mise à jour et comporte l’ajout de nombreux statuts ayant été promulgués entre 1475 et 1503. Une vingtaine de copie ont été recensées.

La quatrième édition parait à Genève par Jean Belot en 1512. Genève était alors, avec Bâle, l’une des principales places d’impression de la Suisse. Les ducs de Savoie y ayant une part d’autorité jusqu’en 1535, nous trouvons des imprimeurs travaillant pour les ducs, comme l’indiquent les armes ducales figurant sur le titre ou à la fin de certaines publications de Jean Belot ou Jacques Vivian.  La mise en page est aérée et l’impression est bien nette mais, comme le précise le colophon du livre, Jean Belot ne fait que reprendre l’édition de Turin de Francisco de Silva. L’innovation se limite à une impression sur deux colonnes et à la numérotation des articles.

Après cette édition Genevoise deux autres éditions paraissent : le 27 septembre 1530 à Turin par Bernardino da Silva et enfin en 1586, à Turin, chez les héritiers de Nicolas Bevilacqua.

Les autres éditions de « Statuts de Savoie » qu’on peut rencontrer sont des statuts postérieurs à ceux de 1430, imprimés à différentes années, et qui se trouvent reliés avec des éditions de ces derniers.

La collation de l’édition de 1505 est la suivante :

- 6 folios n.ch. :  c. 1r: Frontispice avec les armoiries de la Maison de Savoie (il me semble de comprendre que le premier folio vous manque)

c. 1v-5v: tables des matières de l’édition.

c. 6r: blanc

c. 6v: Lettre dédicatoire

- 100 folios numérotés de I à C comprenant :

Les Statuts de 1430.

 c. Ir-LXXXIv:

Les Statuts de Yolande de Savoie.

c. 82r-82v: “Statutum super alienatione bonorum feudalium”, du 3 juillet, 1475.

c. 82v: Ordonnance du consilium cum domino residens, du 3 novembre 1475,

c. 83r-88v: Statuts de Yolande, du 8 février 1477, intitulés “Reformatio statutorum super causarum acceleratione.”

Les Statuts du duc Philibert Ier.

c. 88v: 5 janvier 1480, intitulé “Quod iuramentum addit forum foro temporali sicut foro ecclesiastico”.

c. 88v-92v: 17 agosto 1480, a Chambéry, intitulé “Reformatio statutorum super causarum acceleratione”.


Les Statuts de Charles II.

Les Statuts de Charles II.

c. 93r: confirmation du Statutum super alienatione bonorum feudalium, 14 janvier 1484.

c. 93r-93v: Statuts sur la clause “Nisi et si quis”, du 10 juin 1485.

Les Statuts de la duchesse Blanche.

c. 93v-95r: 26 octobre 1491 intitulé : “Statum super alienationibus feudorum et unica dilatione ad examinandum danda, contraque frabricatores monetarum ac in delinquentes.”

c. 95r: Statutum editum supre poena l. Si quis maior 17 mars 1495.

Les Statuts du duc Philippe II

c. 95v-96v: 30 juin 1497 : « Statuta pro breviori causarum expeditione ».

Les Statuts du duc Philibert II.

c. 96v-97r: 24 janvier 1503 : “Quod in causis, quae dietim assignatae sunt, in stantia non currat nisi per decem dies.”

c. 97r: Ordonnance du conseil résident de Turin 8 mai 1503

c. 97r-99v: Reformatio et statuta nova”, du 1er décembre 1503.

c. 100r: Ordonnance de publication du consilium cum domino residens 5 décembre 1503.

- Colophon : c. 100r “Impressa fuerunt suprascripta Sabaudiae statuta Taurini per Magistrum Franciscum de Silua. Regnante illustrissimo et magnanimo principe Karolo Sabaudiae duce nono. Anno salutis christiane M. cccc V die xviii mensis aprilis.”

Pour résumer, voici la liste des éditions des Statuts d’Amédée VIII :

Decreta Sabaudiae ducalia tam vetera quam nova, Torino, Jean Fabre, 17 novembre, 1477 (H 14050; GW M43623; IGI 8484; ISTC is00001000).

[Decreta et Statuta Sabaudiae], Torino, Iacopo Suigo, [après le 6 octobre 1487]

(H 14051; GW M43632; IGI 8485; ISTC is00002000).

[Statuta Sabaudiae], Torino, Francesco Silva, 28 avril 1505 (EDIT16 - CNCE

31519; Bersano Begey 503).

Statuta Sabaudie nova et vetera noviter impressa, Genève, Jean Belot, 29 mai

1512 (GLN15-16 – 5790).

[Statuta Sabaudiae], Torino, Bernardino Silva, 27 septembre 1530 (EDIT16 -

CNCE 31502; Bersano Begey 506).

Decreta seu statuta vetera serenissimorum ac praepotentum Sabaudiae ducum &

Pedemontii principum: multis in locis emendata, Torino, apud haeredem Nicolai

Bevilaquae, 1586 (EDIT16 - CNCE 47745; Bersano Begey 481).

Quant au texte de 1513 qui fait suite à l’ouvrage de 1505, il s’agit des statuts promulgués par le duc Charles II le 10 octobre 1513 et imprimés par Francesco da Silva le 14 novembre 1513 à Turin.

Colophon de Jacques Vivian.

Ils ont été à nouveau imprimés par Jacques Vivian et Louis Cruse la même année. La Bibliothèque de Genève nous apprend que cette pièce de 4 feuillets accompagne d'ordinaire l'édition genevoise des Statuta Sabaudie, par Jean Belot, du 29 Mai 1512. Il est vrai qu’il a été conçu pour faire suite car ce supplément, bien que publié distinctement l’année suivante, chez un autre imprimeur, avec une autre adresse, poursuit la foliation des Statuts de Jean Belot. (folio LXXXIII-LXXXVI – avec une erreur puisque le dernier feuillet de Belot est déjà le f. LXXXIII) ainsi que la signature (le cahier o6 suivi du cahier p4). Les exemplaires complets des Statuts doivent donc contenir ce supplément bien que cela soit assez rare en pratique, à en juger par les exemplaires décrits par les bibliothèques publiques. Mathieu Caesar en a recensé 13 exemplaires dont 9 copies circulent reliées à l’édition de 1512.[12]



[1] Sur l’ensemble du sujet, voir les différents actes du colloque du 2-4 Février 2015 à Genève : « La loi du prince. Les Statuta Sabaudiae d'Amédée VIII » publiés par la Deputazione Subalpina di Storia Patria - Biblioteca Storica Subalpina n°ccxxviii Torino, Palazzo Carignano, 2019. sous la direction de Mathieu Caesar et Franco Morenzoni.

[2] Voir « La police religieuse, économique et sociale en Savoie d'après les Statuta Sabaudiae d'Amédée VIII (1430)», par Laurent Chevailler, in Mémoires et documents de l’Académie Chablaisienne, tome 77, 1965.

[3] Colophon : Impressa fuerunt suprascripta Sabaudie statuta (ad exemplar illorum que nuper Taurini impressa fuerunt per M. F. de Silva) Gebenis per Magistrum Johannem Belot Anno domini M. D. XII. XXIX. mayi. Et venalia invenitur in ejus officina ante Sanctum petrum Gebenis (f.o5r)

[4] « In suis territoriis, dominiis et locis in quibus iuridictionem habent in et super omnes et singulos subditos et iuridictiarios suos per eorum officiarios plenarie faciant exequi »

[5] Voir Mathieu Caesar, l’état princier et la condition des personnes : servage et souveraineté dans les statuta sabaudie, in la loi du Prince, op. cit.

[6] Martine Ostorero, Amédée VIII et la répression de la sorcellerie démoniaque : une hérésie d’État, in la loi du Prince, op. cit.

[7] F. Mugnier, Procès et supplice de Jean Lageret, dans Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie n°36 (1897), pp. X-XXII.

[8] Laurence Ciavaldini Riviere.  Statuta Sabaudiae, Juifs de Savoie et fin des temps, in la loi du Prince, op. cit. Voir notamment les développements concernant les villes épiscopales suisses.

[9] Aessandro Barbero,  Stratificazione e distinzione sociale negli Statuta Sabaudie, in la loi du Prince, op. cit.

[10] « le costume du souverain sera la robe longue et le bonnet ; le velours, le drap d'or, la martre, l'hermine, les perles, et les pierreries, sont réservés au duc et à sa famille. »

[11] Voir à ce sujet l’article détaillé de Mathieu Caesar, « L’imprimerie et les législations princières aux XVe et

XVIe siècles. Quelques observations à partir des premières éditions des Statuta Sabaudie d’Amédée VIII » in la loi du Prince, la raccolta normativa Sabauda di Amedeo VIII (1430). Colloque Genève 2016, Turin PALAZZO CARIGNANO, 2019.

[12] Mathieu Caesar, Statuts ducaux et imprimerie : à propos de trois éditions des statuts de Charles II de Savoie (1513), dans «La bibliofilia », 113 (2011) pp. 35-48