samedi 14 janvier 2023

Histoire du Royaume de Naples par Michele Riccio (1507)

Le petit ouvrage que fit publier Michele Riccio à Paris, en Aout 1507, chez l’imprimeur Josse Bade, a pour titre Histoire Condensée et Véridique des Rois Très Chrétiens Par Leurs Conseillers et Suppliants (Comme On Dit) [1]. C’est un ensemble de cinq livres qui s’attache à présenter l’histoire des dynasties qui ont successivement régné sur le royaume de Naples.

L’histoire du Royaume de Naples au XVème siècle est particulièrement mouvementée. Ancienne colonie grecque, Neapolis (La ville nouvelle) devient très tôt un carrefour stratégique et l’une des cités les plus peuplée d’Europe ; elle attire les convoitises.

La cité a vu passer, après les grecs et les romains, les normands qui fondent le royaume de Sicile incluant une bonne partie de l’Italie du sud, puis les angevins au XIIIème siècle, après la scission du royaume de Sicile, suivis des espagnols d’Alphonse V d’Aragon, qui prennent possession de Naples en 1443 après leur victoire contre René d’Anjou. René d’Anjou est le légitime héritier du Royaume de Naples mais après 4 ans de bagarres et de tractations, il finit par rentrer en France, ne gardant que le titre de Roi de Jérusalem et de Sicile. Alphonse V fait alors de Naples un foyer de la Renaissance italienne où des artistes comme Antonello da Messina, Jacopo Sannazaro ou Ange Policien y exercent leurs talents.

Page de titre du De Regibus Christianis.

C’est durant cette période faste que nait à Castellammare di Stabia autour de l'année 1445 Michele Riccio (1445-1515), fils de Nicholas de Ritii et Mariella Correale. Il eut comme précepteur l’humaniste Pietro Summonte qui l’orienta vers la carrière juridique. Ferdinand 1er d’Aragon, alors roi de Naples, le nomme professeur de droit à l’université du Royaume.

Lors de la première guerre d’Italie (1494-1497), Charles VIII de Valois, allié au duché de Milan, estime avoir des droits héréditaires sur le royaume de Naples. Il passe le col de Montgenèvre et envahit Naples sous le prétexte de mener une nouvelle croisade contre l'Empire ottoman et délivrer Jérusalem. À la mi-février 1495, le roi Alphonse II de Naples abdique et Ferdinand II lui succède. Ce dernier doit fuir devant l’arrivée des troupes françaises le 22 février 1495. C’est alors que des nobles italiens, nostalgiques de la période angevine et convaincus de la justesse des prétentions de Charles VIII, se rallient à lui avec leurs hommes d'armes. Michele Riccio est au nombre de ceux qui participent à ces ralliements. Il profite de la prise de Naples pour se placer sous la protection des Valois. Il devient ainsi Avocat fiscal, diplomate et conseiller du roi et il occupe différentes fonctions politiques qui l’impliquent dans les guerres d’Italie.

La conquête est de courte durée car les exactions des occupants provoquent l’hostilité de la population et une alliance anti-française connue sous le nom de la Ligue de Venise organise la résistance. Charles VIII choisit de battre en retraite et Michele Riccio le suit dans son retour en France. Il reçoit la charge de Conseiller du Roi au Grand Conseil.

Il entreprend alors la rédaction d’une histoire de l’expédition de Charles VIII (Historia profectionis Caroli VIII) dont le manuscrit daté de Juillet 1496 est conservé à la Bibliothèque Nationale de France.[2] Il s’agit d’un compte rendu de la première guerre d'Italie dans lequel Riccio prend parti sans nuance pour son protecteur. Cet ouvrage n’a pas bénéficié à l’époque d’une édition imprimée.[3]

Au décès de Charles VIII, son cousin Louis d’Orléans, devenu Louis XII, hérite des droits des Valois sur le royaume de Naples et poursuit les rêves de conquête. Il commence par reprendre le duché de Milan et nomme Michele Riccio, premier sénateur de la ville en 1498. Ce dernier entre ainsi à Milan en Octobre 1499 avec le cardinal d'Amboise pour répondre à une harangue des Milanais. Puis Louis XII se tourne vers le royaume de Naples. Le 11 novembre 1500, il signe le traité de Grenade avec Ferdinand II d'Aragon réglant le partage du royaume : les Pouilles et la Calabre pour l’Aragon, Naples, le Labour et les Abruzzes pour la France. Par la suite, Louis XII va confier à Riccio plusieurs missions diplomatiques, ce qui le conduit à prononcer un discours officiel d’obédience à Jules II lors d’une ambassade à Rome, en 1505, au côté de Guillaume Budé, discours qui sera publié d’abord à Rome [4] puis par Josse Bade.

Le royaume de Naples reste encore 4 ans aux mains des Français mais après les défaites de Seminara, de Cérignole et du Garigliano contre Gonzalve de Cordoue, la France renonce définitivement à ses prétentions sur Naples en 1504.

Premier livre de l'Histoire de France

Fin de l’histoire française à Naples et début des chroniques historiographiques de Michele Riccio qui entame l’écriture du De Regis Francorum, un résumé des dynasties qui se sont succédées en France de Pharamond jusqu’à Louis XII. Jacques Le Long dans sa Bibliothèque Historique de la France [5] nous dit que le style de l’auteur est travaillé mais qu’il ne fait qu’effleurer les principaux évènements tant ils sont abrégés. Il est certain que condenser l’histoire de France en 25 feuillets requiert un bon esprit de synthèse. Il s’inspire en cela du Compendium qu’avait rédigé quelques années auparavant Robert Gaguin sur l’histoire de France.

La première édition parait à Rome en 1505 sous le titre Michaelis Riccii Neapolitani ludovico XII regi a consilis, de Regibus Francorum a Pharamundo usque ad Ludovicum XII. L’édition est citée par plusieurs bibliographes du 17ème siècle (Le Long, Lenglet Dufrenoy, etc) mais je n’en ai pas retrouvé trace dans les bibliothèques publiques. Son existence est néanmoins très plausible puisque cette date correspond à celle des deux pièces liminaires figurant dans les deux premières éditions collectives, à savoir celle de Milan (Impressum Mediolani per Joannem de Castelliono, 1506) puis celle de Paris. (Josse Bade, 1507). Ces deux éditions regroupent le De Regibus Francorum avec d’autres opuscules consacrés aux autres dynasties ayant régné sur Naples. On trouve donc à la suite du De Regibus Francorum libri III (f°I à XXV) soit 50 pp. :

-         De Regibus Hispaniae lib. III. (Du Royaume d’Espagne en 3 livres ). f° XXVI à XLIII, soit 36 pp.

-         De Regibus Hierosolymorum lib. I. (Du Royaume de Jérusalem en 1 livre). f° XLIV à XLVI, soit 6 pp.

-         De Regibus Neapolis et Siciliae lib. IV. (Du Royaume de Naples et de Sicile en 4 livres). f° XLVII à LXXX, soit 48 pp.

-         De Regibus Ungariae lib. II. (Du Royaume de Hongrie en 2 livres). f°LXXXI à CVII, soit 54 pp.

Certains bibliographes [6] prétendent que ces autres opuscules avaient aussi paru séparément en 1505, mais là encore, je n’en ai trouvé aucun qui soit cité comme opuscule séparé dans une quelconque bibliothèque publique. Il faudrait sans doute creuser davantage car, à vrai dire, la recherche des différentes éditions anciennes est ardue, les catalogues retenant un nom d’auteur très variable selon le pays ou la période [7].

Débuts des livres sur l'Histoire de Jérusalem et l'Histoire de Sicile

Par ailleurs, il apparait que les quatre premiers opuscules forment un tout dans la mesure où ils mettent en lumière les droits des différents souverains sur le royaume de Naples.  Riccio a développé en priorité l’histoire de France, puis celle du royaume de Naples en elle-même, tandis que l’histoire d’Espagne et surtout celle du royaume de Jérusalem sont traitées plus succinctement. L’histoire de la Hongrie, qui n’a pas de rapport immédiat avec le royaume de Naples, semble-t-il, a fait l’objet d’un titre de transition : Sequitur Gibus (sic !) Ungariae, pouvant vouloir marquer une distinction par rapport aux autres livres.

Les opuscules sont précédés de deux pièces liminaires qui figuraient déjà dans l’édition de Milan de l’année précédente : La première est une épître du professeur Gianpaolo Parasio (Alias Aulus Janus Parrhasius), de Cosenza, à l'auteur datée du 1er Octobre 1505. Ce fils d’un conseiller au Sénat de Naples avait fui à Rome lors de l’invasion française. La seconde épître est rédigée par l’auteur à l’attention de Guy de Rochefort, grand chancelier de France [8].

L’édition de Josse Bade contient, outre les deux pièces liminaires déjà citées, une épigramme originale dans laquelle l’éditeur loue le travail de Michele Riccio et met l’accent sur le fil rouge de l’ouvrage, à savoir les revendications héréditaires sur le Royaume de Naples, faisant au passage un certain amalgame entre les espagnols, la conquête arabe et la nécessaire reprise des lieux saints.

Lettre de Gianpaolo Parisio à Michele Riccio


L'épigramme de Josse Bade

En voici une libre traduction :

Epigramme de Jodoc. Badius sur ce qui suit à propos des royaumes chrétiens :

Si la noblesse connaissait la lignée des familles royales / cela les aiderait à avoir une vision globale (à voir tout en un) / Lisez les livres de Riccio, parmi les meilleurs sur l'histoire. / En effet, à partir de ceux-ci vous apprendrez l'origine des célèbres Francs / Ils ont atteint les sommets des rois chrétiens / Un rival des Francs, par le sang duquel les Ibères ont été menés, / Bethyca (La Bétique) [9] a soumis leurs royaumes à son sceptre. / Et par cette parthénopée, les rois sont rejetons des Sicules (Siciliens) / Ils disent qu'ils détiennent seuls les droits de Soliman / Le chef de ceux qui ont orné le Christ d'une couronne / Ou alors ravissent quelques sceptres par jour. / Et enfin, les rois de Hongrie sont nés du sang / Des guerres horribles et dures entre les hommes / Et par cette union ou parthénopée de sang / La Hongrie revendique le sceptre pannonien. [10]

Le livre sur l'histoire de Hongrie

Le Praelium Ascensianum est connu pour être un foyer important de la diffusion de l’humanisme italien en langue latine. Josse Bade a voyagé en Italie, à Ferrare, à Mantoue ; il a suivi les cours de Philippe Beroalde, dont il éditera à plusieurs reprises les œuvres. Ses auteurs de référence sont notamment Petrarque, Ange Policien, Marcile Ficin, Lorenzo Valla, Nicolo Perotti. Il semble donc naturel que Michele Riccio se soit adressé à lui pour faire rééditer son compendium.

Cette édition parisienne a été imprimée en caractères romains. Les majuscules du texte sont rubriquées en jaune et le début des livres agrémentée de lettrines foliacées. Le titre, typographié en rouge, est inséré dans la célèbre marque gravée du Prælum Ascensianum de l’éditeur [11], figurant l’intérieur d’un atelier d’imprimerie.

Il faut noter une particularité qu’on ne retrouve pas dans les autres exemplaires consultés : le (mal nommé) dernier feuillet blanc contient au verso une reprise à l’identique du texte en rouge figurant sur le premier feuillet, à l’exception de la marque de l’imprimeur. Il s’agit sans doute d’une erreur au moment de la mise en page ou de la reliure mais cela nous donne une indication sur la manière dont Josse Bade composait son titre. A l’inverse des gravures avant la lettre, Il commençait par typographier la page de titre en lettres rouges et surimposait ensuite sa marque.

Verso du dernier feuillet "blanc"

L’édition collective [12] des traités sur les royaumes chrétiens aura beaucoup de succès, peut-être en raison de son caractère synthétique qui la rendait pratique aux étudiants. Elle sera encore publiée par Froben en 1517 puis en 1534 (C’est l’édition que l’on trouve le plus souvent en bibliothèque), traduite en italien (Venise, Vincenzo Vaugris, 1543), puis reprise en entier ou seulement par fascicules insérés dans d’autres ouvrages jusqu’au milieu du 17ème siècle (par exemple Naples, 1645).

Michele Riccio a ouvert ainsi la voie à d’autres historiographes comme son compatriote Paolo Emilio, pensionné par Charles VIII dès 1489 comme orateur et chroniqueur du roi, qui écrira à son tour une Chronique de France bien plus développée (De rebus gestis Francorum, Libri IIII ) qui sera publié également par Josse Bade à partir de 1517.

Bonne Journée

Textor

Colophon de Josse Bade


[1] D. Michaelis Ritii a. consilio et ab requaestis (ut ajunt) regii : Compendiosi & veridici de regibus christianis fere libelli. Ouvrage de 107 feuillets (mal chiffré CIII) signés A4, B-O8, P4.

[2] Paris, lat. 6200.

[3] Texte publié en fragments in Arthur de Boislisle, Notice biographique et historique sur Étienne de Vesc, sénéchal de Beaucaire, pour servir à l'histoire des expéditions d'Italie, Paris et Nogent-le-Rotrou, 1884, p. 258-270.

[4] Oratio ad Julium II. in obedientia illi praestita per Ludovico XII, per Michaelem Ritium. (Romae : E. Silber, s. d.)

[5] Bibliothèque Historique de la France T II, p. 47 (Paris, J.T. Herissant 1769).

[6] Voir Brunet IV 1314. Lequel se trompe aussi sur le format de l’édition de Bade puisqu’il écrit In-quarto alors que c’est un in-octavo.

[7] Michele Riccio pour la BNF mais Michael Riccio pour la British Library, en latin Michaelis Ritius, on trouve aussi Michele Ricci ou Rezzo, parfois francisé en Michel de Ris, du Rit ou de Rys, chez les anciens bibliographes.

[8] L’édition de Milan contient aussi deux autres pièces qui n’ont pas été reprises par Josse Bade : Martianus Aries cremonensis a manu Jani studiosis. S.P.D. ; et, au fol. VIII v° : Clarissimi senatoris et juriscon. Michaelis Ritii de Regibus Neapolis historia.

[9] La Bétique couvre le sud de l'actuelle Espagne et correspond à peu près à l'actuelle Andalousie. Elle tire son nom du nom latin du fleuve Guadalquivir, Baetis.

[10] Janus Pannonius, humaniste et poète Hungaro-Croate, voir l’article du 25 juil. 2021 sur ce site.

[11] Marque 1, état 1 de Josse Bade Ascensius, reproduite par Ph. Renouard dans sa bibliographie de Josse Bade, Paris 1908 (Gravure Pl. B3 n°77).

[12] La BNF dénombre 18 exemplaires de l’édition de Josse Bade, 1507 dont 7 en France, mais la liste n’est pas exhaustive.

dimanche 1 janvier 2023

Meilleurs voeux pour la nouvelle année 2023


 Le Traité de la Sphère de Sacrobosco dans une traduction italienne avec commentaire original de Pier Vincenzo Danti de Rinaldi (m. 1512), ancêtre du célèbre mathématicien Egnazio Danti, qui fit publier le présent ouvrage à Florence  chez Giunti en 1571.

jeudi 29 décembre 2022

La Savoye, poème de Jacques Peletier du Mans (1572)

Pour terminer l’année 2022 en fanfare, je vous présente un poème de Jacques Peletier du Mans entièrement consacré à la gloire de la Savoie, le pays de mes ancêtres. Ce petit ouvrage intitulé La Savoye de Jaques Peletier du Mans [1], devenu rare [2], fut imprimé à Annecy en 1572 par Jacques Bertrand qui était alors le seul imprimeur de la ville. Bien que le savoyard Guillaume Fichet eut été l’un des pionniers de l’imprimerie, la nouvelle invention mit du temps à se diffuser en deçà des Monts et on ne compte guère plus d’un ou deux imprimeurs par génération au 16ème siècle à Chambéry et Annecy. L’attraction des foyers intellectuels qu’étaient Lyon et Genève faisait que la plupart des livres lus dans le duché provenait de ces deux villes.

Page de titre de la Savoye

Jacques Peletier du Mans n’est sans doute pas le plus connu des poètes de la Pléiade, peut-être parce qu’il est difficile à cerner. Tout à la fois humaniste et poète, grammairien et philosophe, mathématicien et médecin, Il est surtout un infatigable voyageur qui fera dire à Ronsard :  Et Peletier le docte a vagué comme Ulysse.

Celui qui avait pris comme doctrine Moins et meilleur passera sa vie à sillonner la France, la Suisse ou l’Italie au gré de ses études ou de ses fonctions. Gilles Ménage au siècle suivant avait écrit une biographie sur Peletier malheureusement perdue et les différentes phases de sa vie sont assez confuses et variables selon les biographes : D’abord étudiant au collège de Navarre à Paris, où son frère ainé enseigne la philosophie, il est poussé par son père, lui-même avocat, vers les études de droit et la théologie et il apprend le grec et le latin. Il a peut-être exercé le droit au Mans de 1538 à 1543 mais il n’a pas laissé d’œuvres juridiques.

Il confiera à son frère : J'ai employé presque cinq années entières à l'étude des lois. Pendant un certain temps cette occupation, par sa nouveauté, ne me déplut pas. Mais, quand j'eus commencé d'acquérir quelque maturité et que je pus disposer de moi-même, je fus épouvanté par la vanité des affaires juridiques et je revins à la philosophie [3]. Nous ne savons pas très bien ce qu’il met derrière le terme philosophie mais il aime l’observation du monde et plus particulièrement les sciences, les mathématiques et la médecine. C’est dans ces domaines qu’il écrira le plus.

L'ouvrage est dédié à Marguerite de France, 
Duchesse de Savoie,protectrice des poètes de la Pléiade.

Au Mans, vers 1539, étant secrétaire de l'évêque René du Bellay, grand cousin du poète, il se lie alors d'amitié avec Pierre de Ronsard et Joachim Du Bellay, un peu plus jeunes que lui. Il fait la connaissance du premier puis du second avant même qu'ils n'entrent au collège de Coqueret et il leur prodigue ses conseils. C’est à lui que Ronsard montre ses essais d’odes horatiennes dès le printemps 1543 et c’est de lui que Du Bellay, en 1546, reçoit le conseil de cultiver de préférence l’ode et le sonnet. Il préside ainsi aux origines de la Pléiade sur laquelle son influence est certaine. En 1545, Jacques Peletier publie, quatre ans avant la Deffence et Illustration de la Langue Française de Du Bellay, un premier manifeste pour l’usage du français, en préface de la traduction française de l'Art Poétique d'Horace. Joachim Du Bellay le reconnaîtra et saluera son influence. Par la suite, quoiqu’éloigné de Paris, il restera en contact constant avec le groupe.

Après avoir brièvement enseigné au collège de Bayeux, à Paris, où venaient étudier les boursiers du Maine, il entame une existence vagabonde, ne restant jamais très longtemps dans la même ville. Trente-deux ans d’errance où chaque séjour est l’occasion de rencontres. Il séjourne ainsi à Poitiers où il échange avec un autre passionné de médecine, François Rabelais.  Puis, à Bordeaux, il exerce la médecine et se fait héberger un temps par Montaigne. Plus tard, entre 1553 et 1557, alors qu’il est en villégiature à Lyon, il fréquente les poètes et les humanistes du cercle Lyonnais, dont Maurice Scève, Louise Labé, Olivier de Magny et Pontus de Tyard.

Livre Second et tiers livre

Après quoi, en 1570, il rejoint la Savoie, d’une part pour fuir la France dévastée par les malheurs de la guerre, mais d’autre part, sans doute aussi appelé par son ancienne protectrice, la duchesse Marguerite de France [4] qui, lorsqu’elle séjournait à Paris, avait soutenu les poètes de la Pléiade et qui, contrainte de rejoindre la Savoie après son mariage avec Emmanuel-Philibert, entretenait autour d'elle une cour de lettrés et de poètes.

Je vá & vien par volontaire fuite, / Pour contempler le Monde en divers lieus, / En évitant, à tout le moins des yeus, / Tant de malheurs, dont la France est détruite.

En Savoie, il retrouve le poète Marc-Claude de Buttet, avec lequel il se lie d’amitié. Il l’avait déjà croisé autrefois à Paris alors qu’il enseignait au collège de Bayeux. Buttet lui ouvre son cercle littéraire à Chambéry et à Tresserve où il croisera Antoine Baptendier, avocat au parlement de Chambéry et ancien juge-mage de Maurienne, de suffisance egale / En Poesie & science legale [5], le vertueux Claude Lambert, gentilhomme de Miolans [6], Jehan de Piochet de Salins, seigneur de Mérande et de Monterminod [7], parent de Marc-Claude de Buttet et admirateur de Ronsard, Amé Du Coudray, etc. Tous auront droit à quelques vers et Marc-Claude de Buttet à des louanges appuyées :

De Chamberi , le chef de la Province, / Ce ne seroit raison que je previnse / Le bien disant Butet, qui en n’áquit, / A qui en touche & l’honneur & l’aquit. [8]

Le poète savoisien lui répondra d'un ton tout aussi louangeur, comparant Peletier à Orphée dans son Amathée de 1575.

L'hommage à Marc-Claude de Buttet

L’accueil qu’il reçut et la beauté du paysage lui firent prolonger son séjour qui dura deux ans et cinquante-cinq hivers [9] et l’incita à écrire ce long poème en trois livres dédié à sa protectrice.

Le sujet du poème est le pays de Savoie lui-même dont Peletier du Mans décrit en détail toutes les richesses. Lui qui ne connaissait que les Alpes Mancelles fut certainement impressionné par la géographie montagnarde. Il oppose l’humeur paisible de ses habitants et leur cadre farouche composé de rochers abrupts et d’abîmes tumultueux, de glaciers et d’avalanches, de marmoteines et d’ours arpus.

Fait très rare pour l’époque, il semble avoir réellement visité les lieux dont il parle et la nature est décrite telle qu'il l'observe et non telle qu'elle devrait être d'après les Anciens. Quand il cite les étendues d’eau, il fait une différence entre les grands lacs poissonneux et les lacs d’altitude froids et sans poisson. Il a noté que le Lavaret meurt à peine sorti de l’eau. En passionné de médecine, il s’émerveille devant toutes ces plantes médicinales dont il donne pour chacune d’elle la vertu cardinale.

Tu as, Savoye, un ornement ancore, / Qui ton renom de rarité décore. / Entre les dons de Nature estimez, / Sont les effetz aus Herbes imprimez. / Onq cete ouvriere, à produire ententive, / Ne se montra si riche & inventive, / Qu’en ces hauz Mons, si noblement herbuz, / Qu’on les diroit boutiques de Phebus.

 Commence alors une longue litanie dans laquelle il n’oublie ni la Gentiane amer ni l’Alquimine, ni le Fiel de Terre ou le Saxifrage exquise aulx graveleux, le Martagon semblable aux lys et les Aconiz, dont tant de bestes meurent, Renars, & Louz, & les fiers Liepars, etc …

Reliure en maroquin aubergine, décor à la Du Seuil,
 fleuron doré au centre, dos orné, tranches dorées 
(Reliure de la seconde moitié du XIXe siècle)

Il avait dû remonter jusqu’au fond des vallées de la Maurienne et de la Tarentaise avec crampons acerez franchissant / Ce dur chemin perilleus & glissant, pour pouvoir décrire des bourgades qui ne devaient pas être bien importantes de son temps, comme Bonneval sur Arc [10] ou Bessans. En ethnographe, il découvre une population heureuse qui a su s’accommoder de la dureté de la nature. Il s’étonne qu’elle puisse rester bloquée par la neige tout un hiver sans chercher à partir ailleurs. Pour autant, il convient qu’elle mène une vie simple, dans les montagnes, sans avoir été pervertie par l’ambition ou l’envie, de bons sauvages en quelque sorte qui annoncent déjà Jean-Jacques Rousseau :

Celui qui est hors de la tourbe vile, / Et tout un Monde estime estre une Vile, / Eureus est-il, si ici & ailleurs / Il rend ses faitz & ditz tousjours meilleurs. / Mais si l’aler & le voir, nous attise / De veins obgetz tousjours la convoitise, / Meilleur seroit du Berger le parti, / Qui n’est jamais des Montagnes parti.

Mais c’est au chapitre des fromages que Jacques Peletier du Mans nous surprend le plus et qu’il démontre qu’il a observé par lui-même, en parcourant les alpages, les techniques de fabrication au lieu de se contenter de recopier dans une bibliothèque les écrits d’un Pline l’Ancien ou d’un Columelle. Il nous dit que les paysans tirent de la transformation du lait trois profits : la crémeuse graisse, la faisselle et le sérac [11]. C'est là peut-être l'une des premières évocations de la fabrication du fromage en chalet. Il les a vu presser la pâte molle des tommes et cuire les Beauforts au chaudron afin de pouvoir les conserver et les descendre dans la vallée lorsque le vent d’Automne desséchant flétrit la verdure des champs.

 Bons, ou meilleurs, ainsi qu’est la páture, / Et sont partout de semblable facture: / Fors que souvent le fourmage mollet / Ils font plus gras, sans ebeurrer le lait. / Mais le tiers gaing, qu’en Savoye ilz en tirent, / Est le Serat, que du Latin ilz dirent: / Au païsan de grande utilité, / De peu de coút, & grand’ facilité.

Ex-libris Barbier-Mueller

L’ouvrage est bien imprimé en lettres italiques et dans une orthographe conforme à l’usage de l’époque et non pas dans celle qu’avait inventée Peletier du Mans. En effet notre mathématicien-poète s’était passionné un temps pour la réforme de l'orthographe et, comme l’avait fait de son côté Antoine de Baïf ou Pierre Maigret, il avait proposé dans son Dialogue de l'ortografe e prononciation françoese de 1550 un système graphique nouveau, proche de la phonétique, qui n'aura aucun succès, mais qu'il adoptera lui-même dans ses œuvres, ce qui entraine quelques difficultés de lecture pour nous qui sommes habitués  à lire d’un coup d’œil un ensemble de mots dans une phrase et non pas les syllabes les unes à la suite des autres [12].

Heureusement, l’imprimeur Jacques Bertrand tenait un petit atelier à Annecy dans lequel il imprimait peu et avec un matériel réduit.  Si bien que Peletier du Mans dut renoncer à lui faire utiliser les caractères spéciaux correspondant à la graphie moderne qu’il avait inventée à Paris, faute de matériel adapté. La seule particularité du texte est la suppression quasi systématique du doublement des consonnes.

Nous ne savons pas pourquoi, il choisit de rester en Savoie jusqu’à l’impression du livre pour retourner à Paris à peine l’édition publiée et en pleine Saint Barthélémy. Il aurait pu tout aussi bien rentrer avec son manuscrit pour le faire imprimer plus commodément dans la capitale. A vrai dire, il était déjà passé à autre chose, c’est un recueil de géométrie en latin dédié à Charles-Emmanuel de Savoie, fils de sa protectrice, le De Usu geometriae liber unus [13] auquel il consacra ses efforts durant les mois de son retour avant de repartir enseigner les mathématiques à Poitiers, loin des marmottes et des ours.

Bonne Journée,

Textor



[1] Titre complet : La Savoye de Jaques Peletier du Mans, A tresillustre Princesse Marguerite de France, Duchesse de Savoye & de Berry. Moins & meilleur. A Anecy, Par Jaques Bertrand. M.D.LXXII. Collation : In-8 de 79, [1 bl.] p. (sig. A-E8). L’exemplaire présenté provient de la collection Jean-Paul Barbier-Mueller avec son ex-libris et une mention d’achat en Octobre 2014 à Auxerre (Vente Auxerre Enchères 27 Sept. 2014).

[2] La Savoye a connu 2 rééditions : i) Par Joseph Dessaix (in Mémoires et Documents de la Société Savoisienne d’Histoire et d’Archéologie T. 1 Chambéry, 1856) ; ii) Par Charles Pagès (Bibl. savoyarde, Moutiers Tarentaise, Ducloz, 1897). L’exemplaire de la BM de Tours a été numérisé par le site des Bibliothèques Virtuelles Humanistes. http://www.bvh.univ-tours.fr/Consult/index.asp?numfiche=848

[3] Lettre en latin à son frère Jean Peletier dans les pièces du In Euclidis Elementa geometrica... (Lyon, de Tournes, 1557, in -fol.).

[4] Marguerite de France (1523-1574) duchesse de Savoie et du Berry, fille de François 1er, dont la grand-mère maternelle était Anne de Bretagne et la grand-mère paternelle, Louise de Savoie.

[5] Livre Second, p.42.

[6] Son frère Jean-Gaspard Lambert était un ami de Marc-Claude de Buttet mais il serait décédé avant 1569 et c’est donc plus vraisemblablement Claude que Jacques Peletier a pu rencontrer.

[7] La vie de Jehan de Piochet (1532-1624), cousin de de Buttet, est bien documentée grâce à ses dix livres de raison et son livre de comptes de 1568 conservés aujourd’hui aux Archives départementales de la Savoie. Piochet poursuivit des études de droit à Avignon avec Amé Du Coudray mais choisit une carrière d’armes. Il est capitaine du château de Chambéry à partir de 1569, quand Jacques Peletier arrive en Savoie. Voir R. Devos et P. Le Blanc de Cernex, Un ‘humaniste’ chambérien au XVIe siècle: Jehan Piochet de Salins d'après ses livres de raison, in Vie quotidienne en Savoie, Actes du VIIe Congrès des Sociétés Savantes de Savoie, Conflans, 1976.

[8] Livre Second, p 44.

[9] Tiers Livre, p.75 : Apres l’avoir deus ans entiers hantee, Et aiant vu cinquantecinq hyvers, ….

[10] Peut-être mentionne-t-il ce village pour sa chapelle dédiée à Sainte Marguerite, sainte patronne de sa protectrice.

[11] Livre second, p. 36. 

[12] Un exemple de son illisible graphie :  Madamɇ, lɇ grand dɇſir quɇ j’auoę̀ dɇ deſſe̱ruir (a toutɇ ma poßibilite) la gracɇ ſouuɇreinɇ dɇ feuɇ la Reinɇ votrɇ tre dɇbonnerɇ e tre rɇgretteɇ merɇ, m’auoè̱t induìt a lui vouloę̀r dedier un mien Dialoguɇ dɇ l’Ortografɇ e Prononciation Françoȩſɇ.

[13] Parisiis, apud E. Gorbinum, octobre 1572 - In-4°, pièces limin., 44 p., fig.

mardi 29 novembre 2022

Les chants des bergers musiciens de Jean Antoine de Baïf (1572)

 Les XIX Eglogues de Jean Antoine de Baïf entament le recueil intitulé Les Jeux, paru en 1572. Elles sont suivies de toute sa production théâtrale et de ses pièces dialoguées, à savoir (i) Antigone, première adaptation de la célèbre tragédie de Sophocle, (ii) Le Brave (unique comédie qui fit monter l'auteur, inspiré de Plaute) (iii) L'Eunuque (Comédie prise de Terence mais jamais représentée) et (iv) les Neuf Devis des Dieux pris de Lucian et dédiés au roi et à la reine de Navarre. Ces pièces sont d’une extraordinaire audace formelle. Aucun autre poète contemporain n’a déployé dans les chœurs d’une tragédie une telle variété de mètres et de strophes et aucun n’a fait résonner sur le théâtre des vers de quinze syllabes ou pulvérisé comme il l’a fait la césure nous dit le dictionnaire Larousse.

Page de titre des Jeux

Les pièces théâtrales mériteraient une analyse en elle-même mais ce sont les Eglogues qui vont retenir notre attention. Une églogue est un poème pastoral écrit dans un style simple et naïf où, à travers les dialogues des bergers, l'auteur relate les événements généralement heureux de la vie champêtre, chante la nature, les occupations et les amours rustiques. Le poète grec Théocrite en fut l’un des premiers inventeurs puis les poètes latins, notamment Virgile, lui donnèrent ses lettres de noblesse.

La redécouverte des antiquités grecques et latines conduisit les poètes de la Renaissance à composer des églogues. Ce fut le cas de Clément Marot, Pierre de Ronsard ou Jacopo Sannazaro.

Célébré par Ronsard et Du Bellay comme le premier poète pastoral au sein de la Pléiade, Jean-Antoine de Baïf a tardé à publier ses Eglogues qui représentent pourtant ce que le poète a produit de plus intime et qui révèlent le mieux ses goûts poétiques. « C'est sa vision tantôt pessimiste, tantôt rieuse et joyeuse de l'amour ; ce sont encore ses frustrations, ses ressentiments ; c'est surtout sa passion du chant accompagné d'instruments que l'églogue lui permet d'exprimer en toute liberté, par l'intermédiaire de la fiction pastorale[1] »

En effet, le poète possède un gout particulier pour la sonorité des mots. Il fonde en 1570, dans sa maison du faubourg Saint-Marcel, l'Académie de poésie et de musique dont le rayonnement fut très important. C'est dans ce cadre qu'il publie les Étrennes de poésie française en vers mesurés (1574) dans lequel il introduit la métrique quantitative (reposant sur la longueur, ou le poids des syllabes) c’est-à-dire qu’il a cherché à reproduire le rythme scandé des psalmodies antiques, allant jusqu’à imaginer une écriture phonétique sensée faciliter la déclamation de ses vers.

Ces sonorités se retrouvent dans les pastorales et l’on entend le flageolet et la chalemie des bergers qui s’affrontent en joutes musicales :

Sous ces ormeaux allons mes brebiettes,

Là Vous orrez mes gayes chansonnettes

Avec les eaux bruire si doucement

De mes amours, que débaïssement

Vous en perdrez de pasturer l'envie. (Eglogue X – Les Bergers)

 

Pièce liminaire dédiée au Duc d'Alençon. 

Les Eglogues sont dédiées à François, duc d’Alençon, dernier fils de Catherine de Médicis, et imprimé en beaux caractères italiques (Tandis que la partie en prose des autres œuvres l’est en caractères romains), agrémentés de lettrines et bandeaux. Les Jeux ont d’abord paru isolément en 1572, puis les exemplaires invendus furent réunis à l’édition collective de 1573 pour constituer la troisième partie des Œuvres en Rime. L’imprimeur au service du marchand-libraire Lucas Breyer se contentant de modifier maladroitement la date sur la page de titre, en ajoutant un ‘I’ au composteur.

Jean-Paul Barbier avait remarqué que le livre des Jeux avait précédé l’édition collective et constituait une édition complète en elle-même : Il [me] parait évident que le poète commença par donner une nouvelle édition de ses Amours, puis un volume de Jeux, avant de concevoir le projet d'une édition collective. On se rappelle que Ronsard avait déjà réalisé une telle ambition en 1560 (en 1573, il en était à sa quatrième édition collective !), et l'on peut comprendre que son ancien disciple et intime ait eu envie, lui aussi, d'aligner plusieurs tomes sur les étagères de la postérité. Les Amours et les Jeux, vendus séparément par Breyer, avant l'impression des Œuvres en Rime, se trouvent parfois avec de jolies reliures en vélin doré ou en maroquin.[2]

Eglogue XVI - La Sorcière.

Les notices des libraires se plaisent à rappeler que la plupart des églogues sont à connotation érotiques. C’est sans doute un peu réducteur mais cela reste un bon argument de vente. il est vrai que les Jeux constituent le prolongement des Poèmes, un autre recueil de l’édition collective, qui puise son inspiration dans l’Ovide des Métamorphoses et l'Arioste et quand Ronsard, sur ces mêmes sources, privilégie les épisodes épiques et guerrier, Baif en retient les scènes érotiques.  

Nul, Nymphes, ne vous suit en plus grand’reverence

Qu’il adorait les pas de vostre sainte dance :

C'est pour luy que je veu, Naiades, vous prier :

Voudriez vous à Brinon vos presans dénïer ?

Pucelles, commencez : (ainsi la bande fole

Des Satyres bouquins vostre fleur ne viole :

Si vous dancez, ainsi ne trouble vos ébas,

Et si vous reposez, ne vous surprenne pas).

Pucelles, commencez : où vous touchez, pucelles,

Où vous mettez la main toutes choses sont belles :

Chantez avecques moy : de Brinon langoureux

Recordon les amours en ce chant amoureux. (Eglogue II)

Les Eglogues sont aussi l’occasion de mettre en scène ses amis poètes. Dans l’églogue IV on croit pouvoir reconnaître, dans un ordre peut être hiérarchique, Ronsard, Du Bellay, Belleau et Baïf :

Mais si vous ne voulez appaiser vostre noise,

J’ay bien affaire ailleurs, où faut que je m’en voise :

Voicy venir Perrot & Belot & Belin

Et Toinet, qui pourront à vos plaids mettre fin.

Dans l’églogue XVII, De Baïf met en scène Mellin, personnage renvoyant explicitement à Mellin de Saint-Gelais, dans un dialogue avec Thoinet diminutif de l’un de ses propres prénoms. Le premier réconforte Thoinet qui se plaint de sa pauvreté. Il semble que BaÏf ait eu à souffrir de sa condition et de son manque de fortune. Il était le fils naturel de Lazare de Baïf et si ce dernier avait pourvu à son éducation en lui permettant notamment d’avoir Jean Dorat comme professeur, il n’en demeurait pas moins bâtard.

Dans cette longue pièce Mellin prodigue ses conseils d’aîné avisé au malheureux Thoinet. Il lui rappelle que ce père, s’il ne lui a laissé aucun bien matériel, a pourvu à son éducation en le confiant à Jean Dorat. Il peut en particulier se réjouir de connaître la musique, qui lui permettra de célébrer les puissants. Si le temps de Janet et de Francin (C’est-à-dire du cardinal Jean de Lorraine et François Ier) est révolu, on peut toutefois espérer trouver d’autres protecteurs dans leurs successeurs, Henri II mais surtout Charles de Guise, nouveau cardinal de Lorraine. [3]

Détail de la reliure de Capé 
qui fait écho aux culs-de-lampe de l'ouvrage.

Si notre poète a été quelque peu oublié par les générations suivantes, pour ses amis de la Pléiade, Jean-Antoine de Baif passait pour un très savant versificateur. Nous laisserons la conclusion à Joachim du Bellay :

De tes doux vers le style coulantime,

Tant estimé par les doctieurs François,

Justimement ordonne que tu sois,

Pour ton savoir, à tous révérendime.

Bonne Journée

Textor



[1] Jean Vignes, Oeuvres complètes : Euvres en rime. Vol. 3. Les jeux. Vol. 1. XIX eclogues. H. Champion 2016.

[2] Jean-Paul Barbier, Ma bibliothèque poétique, partie III, Ceux de la Pléiade, p.60.

[3] Claire Sicard et Pascal Joubaud, « Jean-Antoine de Baïf fait de Mellin de Saint-Gelais le personnage de son églogue (1556) », in Démêler Mellin de Saint-Gelais, Carnet de recherche Hypothèses, 26 août 2015 [En ligne] http://demelermellin.hypotheses.org/4090.