mardi 8 décembre 2020

Pierre Eskrich, maitre brodeur et tailleur d’histoires. (1520-1590)

En cette seconde moitié du 16ème siècle, Lyon est la capitale de l’imprimerie. Les imprimeurs Guillaume Rouille, Jean de Tournes, Guillaume Gazeau, Macé Bonhomme, Balthasar Arnoullet ou Barthélémy Honorat et beaucoup d’autres vont faire briller la vie intellectuelle de cette ville enrichie par le commerce et les foires instituées au siècle précédent. Et la mode est aux livres à gravures pour lesquelles les plus grands artisans sont recherchés. Le plus connu est Bernard Salomon dit le Petit Bernard mais il y eut aussi Pierre Woeiriot, le Maitre à la Capeline, George Reverdy, Georges Mathieu, Otton Vendegrin, etc …

Arrêtons-nous sur un « tailleur d’histoires » bien représenté dans ma bibliothèque : Pierre Eskrich. Sa production, bien qu’abondante, est longtemps restée dans l’ombre avant que Natalis Rondot ne lui consacre une monographie au début du 20ème siècle [1]. Il faut dire que cet illustrateur avait tout fait pour brouiller les pistes. Il ne signait que rarement ses œuvres et, quand il le faisait, il utilisait plusieurs pseudonymes différents qui fit croire que les initiales PV pour Pierre Vase ou le nom Cruche correspondait à des graveurs différents. Pourtant sa manière est assez facile à identifier.

Pierre Ekrich, un maitre dans l'art de dessiner les oiseaux. Lettre P à la mésange huppée.

Brodeur, architecte de décors pour les entrées royales, peintre, dessinateur et graveur, cet artiste reste aujourd’hui essentiellement connu pour les illustrations de livres qu’il a produit entre les années 1548 et 1580 pour les imprimeurs de Lyon et de Genève, villes où il résida alternativement.

Pierre Eskrich est né à Paris, vers 1520, d'une famille allemande de Fribourg-en-Brisgau. Son père Jacob Eskrich est graveur sur métal et lui enseigna sa technique avant de le placer en apprentissage dans l’atelier de Pierre Vallet, brodeur du duc de Nevers, un des maîtres brodeurs les plus en vue de la capitale. La forme primitive du nom est Kruche ou Kriche qui voulait dire cruche. Son fils, sans doute dans un souci d’intégration, a cherché à franciser son nom en Vase ou Cruche. Il employa l’une ou l’autre de ces signatures et parfois les trois.

Il parvient à gagner, vers 1543, le statut fort honorable de maitre brodeur et fréquente les milieux artistiques parisiens de l’entourage de Clément Marot. Il tenait à son titre de brodeur qui était apparemment plus valorisé dans la hiérarchie sociale de l’époque que celui de simple graveur d’images. A vrai dire, nous n'avons guère d'information sur ce qu'il a produit durant sa période parisienne, peut-être des vers qu'il reste à retrouver. Son ami Robinet de Luc [2], également brodeur mais aussi poète à ses heures, lui consacre un poème : « Cruche tu n’es, mais ung beau vase anticque / Vase excellent, vase fort auctenticque ». Nous  savons  aussi qu’il était en relation avec le peintre et sculpteur Jean Cousin qui l'aida à sortir de la prison du Châtelet en payant ses dettes.[3]

Il arrive à Lyon en 1548, probablement appelé par Guillaume Rouille qu’il avait pu connaitre à Paris et qui venait de s’installer dans la capitale des Gaules. Il collaborera souvent avec cet imprimeur et sera son illustrateur attitré comme Bernard Salomon avait été celui de Jean de Tournes. Sa première production lyonnaise est l’édition en français des Heures à l’usage de Rome, partagée avec Macé Bonhomme en 1548. Eskrich conçoit des bois à pleines pages et des encadrements variés qui tranchent avec l’iconographie habituelle des livres d’heures gothiques. Ils prennent leur source dans l’art maniériste italien importé en France, particulièrement dans les recherches originales toutes récentes du Rosso puis de Primatice à Fontainebleau.

Pierre Eskrich devait avoir une solide éducation classique et un gout certain pour l’archéologie comme le montre les thèmes qu’il va illustrer. On le sait féru de poésie, c’est donc tout naturellement qu’il se tourne vers l’illustration littéraire et particulièrement les livres d’emblèmes, un genre très en vogue où un texte versifié répond à une image tirée de la mythologie ou de symboles hermétiques. Il conçoit les vignettes des Emblèmes d’Alciat parus chez Guillaume Rouille et Macé Bonhomme en 1548 et 1549, où le jeu visuel entre texte et image est souligné et resserré par l’emploi des mêmes encadrements bellifontains que le livre d’Heures précédemment achevé. L'illustration comprend un grand encadrement sur le titre avec des enfants chauves, des bordures variées à toutes les pages et 173 bois, dont 14 représentent diverses essences d'arbres. Plusieurs bois sont signés PV dans l’encadrement, ce qui permet de les lui attribuer avec certitude. Contrairement à la pratique en Allemagne, les graveurs français ne signaient que très rarement leurs œuvres. Les droits d’auteur n’existaient pas encore et il n’y avait pas vraiment d’intérêt à marquer les œuvres comme pouvaient le faire les tailleurs de pierre.

Les Emblèmes d’Alciat, 1549 
Page de titre à l’encadrement architectural typique que l’on retrouvera dans d’autres ouvrages.

Les Emblèmes d’Alciat, 1549. 
L'Envie dévorant un serpent, thème que l'on retrouve dans le Stichostratia. La planche est signée PV pour Pierre Vase, première signature de l’artiste à son arrivée à Lyon.

Les Emblèmes d’Alciat, 1549.

C’est au cours de cette première période lyonnaise qu’il confie à Macé Bonhomme 3 dessins très finement gravés sur bois pour illustrer le livre d’épigrammes de Jean Girard, maire d’Ausone, le Stichostratia epigrammaton centuriae V. Les bibliographes ne mentionnent jamais cette production pourtant bien dans le style de Pierre Eskirch. Ces dessins forment, selon moi, une suite symbolique autour de l’immortalité du poète. Dans la première gravure, la Volonté à la tête des centuries aux pieds multiples (Carminum centuriae multipedum) combat le serpent d’eau (l’Hydre) appelé Envie (Invidia) dans les marais de Lerne. Dans une autre, l’Immortalité toujours accompagnée des multi-pieds combat la Vieillesse, le Temps et Saturne.

Pierre Eskrich est aussi, très certainement, l’auteur de la marque de Macé Bonhomme figurant à la page de titre du même livre. On sait que notre graveur a été sollicité par d’autres imprimeurs que ceux avec lesquels il travaillait habituellement pour dessiner leur marque ou décorer les pages de titre de leurs ouvrages. On croit voir sa main dans plusieurs éditions où les frontispices sont ornés d’éléments d’architecture classiques, à l’exemple des Funérailles de Romains.

Le Stichostratia epigrammaton, page de titre à la marque de Macé Bonhomme, 1552


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Le Stichostratia epigrammaton, gravure « non gravis ira sed voluntas »

Le Stichostratia epigrammaton, gravure « Cornu ferit ille, caveto »

Il enchaîne en 1555 avec les 95 bois du livre d’emblèmes du juriste Pierre Cousteau, intitulé Le Pegme, toujours chez Macé Bonhomme. Les versions latine et française paraissent quasi simultanément. A. Firmin-Didot disait de cet ouvrage que c’est « l’un de ceux où se révèle le style lyonnais proprement dit, soit dans les bordures, soit dans les vignettes ».

Il s’y déploie une iconographie complexe, mais on remarque une certaine maladresse dans la taille des bois par rapport aux gravures du livre d’Alciat ou du Stichostratia de Jean Girard. Par ailleurs, le livre parait plus de 2 ans après l’obtention du privilège Il est possible qu’Eskrich se soit contenté d’exécuter les dessins et laissé à un graveur peu habile et très lent le soin de manier le burin. Certains disent que c’est la traduction en français par Lanteaume de Romieu qui prit du retard.


Le Pegma de P. Cousteau, version latine, 1555.


Le Pegme en français, édition de 1560.

Mais il se peut que ce soit Eskrich lui-même qui ait été très lent dans son travail car la même mésaventure se reproduisit pour un autre ouvrage illustré par Eskrich, la Religion des Romains de Guillaume du Choul, parue 3 ans après le privilège. Cette fois, le livre est édité directement en français et personne ne peut incriminer le traducteur.  

Le Discours sur la Religion des Anciens Romains aurait dû paraitre en même temps que le Discours sur la Castramétation et Discipline Militaire des Romains, et les Bains, 3 ouvrages imprimés par Guillaume Rouille mais les retards dans la composition des gravures en différèrent l’impression et ce retard chagrina amèrement l’imprimeur qui fut obliger de s’en excuser dans l’avis aux lecteurs : « Seigneurs lecteurs, l'obéissance, que je dois à ceux qui me peuvent commander, fait que maintenant les deux livres précédents [c'est-à-dire la Castrametation et les Bains] ne doivent attendre leur compagnon de la Religion des anciens Romains, obstant la raisonnable tardiveté des ouvriers ès portraits & taille des figures : qui par-ci-après & au-plutôt vous contenteront de tant mieux, que leur aurez donné loisir de sortir en meilleure perfection, sous un commun accord d'accepter nos justes excuses en matière tant favorable. A Dieu »

Guillaume Rouille réédita donc en 1556 un tirage regroupant la Castramétation, les Bains et y adjoignit la Religion, comme l’annonce la page de titre. Il est vrai que les gravures sont en « meilleure perfection » et les recherches quasi archéologiques qui furent faites sur les costumes et les armes des romains, dont on peut admirer les détails, ont dû prendre beaucoup de temps à concevoir.


La Castramétation, gravures à pleine page, les boulevards et le chargement du vin, 1556.

Soldat romain, La Religion des Romains, 1556.

Cavalier romain, La Religion, 1556.

Scène de sacrifice, Religion des Romains, 1556.

Vanessa Selbach note la proximité probable d’Eskrich avec l’antiquaire Du Choul mais ne parait pas vouloir lui attribuer les gravures de l’ouvrage, contrairement à Henri Baudrier qui note dans sa Bibliographie Lyonnaise que ces gravures sont l’œuvre d’un graveur de grand talent, que Guillaume Rouille travaillait avec Pierre Eskirch et George Reverdy et que ce n’est pas la manière de Reverdy. Cette information est reprise depuis par tous les catalogues de libraires.

Le doute reste permis car ces grandes figures diffèrent des petites vignettes des livres d’emblèmes, mais nous pensons reconnaitre le style de Pierre Eskrich dans les figures des romains qui correspondent à ses personnages à la stature longue et étirée, donnant l’impression d’être en apesanteur ; les têtes sont étroites, généralement mal proportionnées et les extrémités des membres sont effilés ; elles ont un caractère de sévérité, autant de traits propres à Eskrich. Par ailleurs, il faut garder en tête que les scènes de la Religion des Romains sont tirées pour partie de relevés de la colonne Trajane dont les dessins ne sont pas de la main d’Eskirch qui n’est jamais allé à Rome.

Les lettrines historiées de cet ouvrage me paraissent constituer un indice supplémentaire. Celles qui ornent la Castramétation comme la Religion des Romains de Du Choul peuvent certainement lui être attribuées car elles représentent des oiseaux et ont été réalisées à l’époque où notre graveur s’était lancé dans une série de dessins ornithologiques conservée aujourd’hui à la New-York Historical Society sous forme d’un album de plus de deux cents dessins d’oiseaux [4]. Deux autres recueils du même type conservés à la BNF sont de la main de Dalechamp et avaient appartenu à Guillaume Rouille sans doute pour un projet de publication. Le calligraphe a noté : « l’autheur B. Textor, le peintre Pierre Vase alias Cruche, l’escrivain Thomas Huilier. ». Ils constituent le premier ensemble de dessins ornithologiques d'Europe [5]. Eskrich était un amateur d'ornithologie et allait avec son ami Dalechamp les observer dans les montagnes du Jura. Dans les lettrines, les volatiles sont très réalistes, ils  évoluent dans un décor de pampre et de feuillages en rinceaux très chargé dont on retrouve le style dans d’autres lettrines comme la lettrine aux squelettes dessinées spécialement pour les Funérailles des Romains.

Le héron cendré, dessin d'oiseau de Pierre Eskrich réalisés vers 1548-1555, aquarelle, encre et gouache. New-York Historical Society.

Lettrines aux Oiseaux de la Religion des Romains, 1556. Le héron cendré et le pic noir.

Après cette intense période de production Eskrich quitta Lyon pour Genève et s’y installe en 1554, pour être reçu bourgeois en 1560, « gratuitement, en considération des services qu’il pourra faire à la ville ». On ne sait pas de quels services il est question, sans doute des commandes de la municipalité de Genève comme ce plan de ville de 1564 ou des travaux d’illustrateur pour la propagande calviniste car c’est à Genève qu’il conçoit une curieuse carte satirique de propagande inventée par l’italien Jean-Baptiste Trento, qui lui commande en 1561 seize planches in-folio constituant la Mappemonde Nouvelle Papistique. Le retard dans la livraison des planches, une fois encore, lui vaut un procès par l’auteur en 1562-63, et l’ouvrage ne paraîtra finalement qu’en 1566. Je passe rapidement sur cette période genevoise car elle n’est pas représentée sur mes rayons. Il a d’ailleurs eu moins de succès à Genève au point de tomber dans la mendicité, faute de commande. Il a tout de même illustré plusieurs ouvrages protestants dont des bibles pour Robert Estienne, Rowland Hall, Antoine Reboul à l’illustration réduite.

Nouveaux déboires financiers et nouveau séjour en prison pour injures aux gouverneurs de la ville, Eskrich revient alors à Lyon en 1564, appelé par la municipalité pour aider en urgence aux décorations de l’entrée de Charles IX et il s’y fixe de manière définitive. Il sera à nouveau sollicité pour les décors de l’entrée d’Henri III à Lyon en 1574, il conçoit et peint un bateau royal, inspiré du Bucentaure des Doges de Venise.

Protestant à Genève mais catholique à Lyon, puisqu’il maria sa fille à l’église de Sainte Croix, notre graveur savait s’accommoder avec la religion de ses commanditaires !

Une de ses dernières productions est gravée pour l’ouvrage Funérailles et diverses manières d’ensevelir les romains de Claude Guichard, parues chez Jean de Tournes en 1581 et dédié à Charles-Emmanuel de Savoie. Une des gravures est signée « Cruche in. », et représente un édifice pyramidal inspiré de monnaies romaines.

Page de titre des Funérailles des Romains, Jean de Tournes, 1581.

Gravure d'un tombeau romain signée en bas à gauche Cruche.

Le thème du livre est de circonstance pour un artiste désormais âgé qui ne produira plus rien de notable et disparaitra quelques années plus tard, vers 1590.

Bonne Journée

Textor

Lettrine aux squelettes des Funérailles des Romains, 1581.



[1] Natalis Rondot : Pierre Eskrich, peintre et tailleur d'histoires à Lyon au XVIe siècle, Lyon : Waltener, 1901.

[2] Robinet de Luc est désigné dans les articles les plus récents sous le nom Robert de Luz dit Robinet.

[3] Vanessa Selbach, « Artisan ou artiste ? La carrière de Pierre Eskrich, brodeur, peintre et graveur, dans les milieux humanistes de Lyon et Genève (ca 1550-1580) », Chrétiens et sociétés « Numéro spécial I : Le calvinisme et les arts »,‎ 2011, p. 37-55

[4] La correspondance du médecin Robert Constantin nous apprend qu’il allait herboriser et étudier les oiseaux dans le Jura avec Dalechamp et Pierre Eskrich. Cf V. Selbach précitée.

[5] Oberta Olson et Alexandra Mazzitelli, « The discovery of a cache of over 200 sixteenth-century avian watercolors: a missing chapter in the history of ornithological illustration », Master Drawings, vol. 45, n° 4 -2007, p.435-521.

lundi 30 novembre 2020

Le Roman de la Rose, un livre érotique à scandale. (1538)

En mon sommeil, je vis un songe / Vraiment très beau et très plaisant

Le poète rêve une nuit qu'il pénètre dans le Jardin de Plaisir où il est accueilli par Amour. Dans la fontaine où jadis s'est noyé Narcisse, il voit le reflet d'un buisson de roses, se dirige vers lui et remarque un petit bouton de rose particulièrement charmant. Amour qui l'a suivi lui décoche une flèche qui touche son cœur. Le voilà amoureux du bouton de rose...

Ce chef d’œuvre de la littérature courtoise et allégorique a connu un succès extraordinaire entre le XIIIème et le XVIème siècle ; tout lettré se devait d’avoir l’ouvrage dans sa bibliothèque et encore aujourd’hui, nous restons charmés par cette poésie aux strophes si musicales.

Pour le prix d’un livre nous en avons deux. Celui de Guillaume de Lorris, tout en douceur et en beauté. L’amour courtois se développe dans un monde idyllique et statique. La rose est protégée par l’enceinte du Jardin de Déduis. La séduisante Oiseuse ouvre la porte au narrateur et le laisse entrer dans le verger et le roman s’interrompt juste au moment où l’Amant réussit à poser un chaste baiser sur les lèvres de l’aimée.

Comment Oyseuse ouvrit la porte à l’Amant. (Ed. Poncet Lepreux, 1538)

L’Amant frappe à la porte du Jardin de Déduit. La blanche et blonde Oyseuse, son miroir à la main, fait entrer l’Amant dans l’univers lumineux du jardin (BNF ms Français 19153, f. 5v, Anjou vers 1460)

Mais lirions-nous encore le Roman de la Rose s'il n'y avait eu un Jean de Meun pour écrire une suite ? 

Jean Chopinel, dit Jean de Meun, clerc érudit, poursuit la narration de la quête amoureuse du protagoniste, mais le ton change radicalement. Il passe du courtois au philosophique, reflétant ainsi les intérêts académiques de cette fin du XIIIème siècle. Le récit est constamment interrompu par un flot de digressions, tantôt encore très scolastiques, tantôt humanistes, voire ésotériques, sur l’amour et l’amitié, le caractère arbitraire du destin, les mystères de la nature. L'intrigue principale n'est rappelée que de temps à autre et le lecteur doit attendre la toute fin du texte pour retrouver la narration d’origine.

Jean de Meun est cynique, voire carrément misogyne. Il a retenu les premiers vers du poème : Songe rime avec mensonge. Il parait se moquer de l’œuvre de Guillaume de Lorris. Le ‘’Romantisme’’ (au sens littéral) n’est plus de mise. Il signe la fin de l’amour courtois. Le catalogue des attitudes amoureuses qu’il propose n’est plus que calculs et stratégies de conquête. Raison est la première à livrer sa démonstration. Elle condamne l’amour comme un bonheur pervers. Puis l’Amant se laisse tenter par la ruse et la corruption comme plus sures moyens de conquérir une femme. Après quoi, il rencontre la Richesse qui lui donne un accès rapide au succès amoureux. Il se heurte à l’hypocrite Faux-semblant et à la dangereuse Malebouche, avant d’atteindre finalement au but car il faut bien conclure.

La critique a beaucoup étudié ce texte et les interprétations de l’œuvre sont multiples [1]. Il n’y a d’ailleurs pas qu’un seul Roman de la Rose mais des versions légèrement différentes selon les copistes et les censures, sans compter les extrapolations de Jean Molinet ou les traductions de Dante et Geoffrey Chaucer. Mélanges de méditations savantes, de propos grivois et de réflexions misogynes, l’œuvre déconcerte. Il y a plusieurs lectures possibles et c’est ce qui a fait son succès ; je n’en citerais que trois :

Il y a d’abord un sens littéral, celui du combat entre les tenants de l’amour courtois et ceux qui y sont hostiles. Les premiers dansent la carole dans le jardin de Déduit pendant que les autres sont peints sur le mur d’enceinte du jardin. La jeune courtisée passe par divers sentiments, du bonheur à l’effroi, de l’éveil de la sensualité à la pudeur et à la honte, etc.

La seconde lecture est chrétienne, la quête s‘apparente à un pèlerinage spirituel qui conduit l’Amant jusqu’à la rose, symbole du Divin. Dans ce verger intemporel proche du Paradis, l’Amant contemple la fontaine de Narcisse, miroir de la connaissance de soi. Parvenu dans la forteresse, il réalise son union avec Dieu.

La troisième lecture est érotique. Le désir et la sexualité parcourent le livre en de multiples allusions plus ou moins explicites. La civilisation médiévale est extrêmement inventive en ce domaine et le lecteur est habitué aux fabliaux grivois des troubadours qui chantent la sensualité, la femme, l'adultère. Un bibliothécaire de la Sorbonne avait noté en marge d’un des manuscrits [2] :« Copie fort imparfaite de l’art d’aimer d’Ovide ». Le sexe est mis en scène sans ambiguïté à la fin du livre, par la défloration de la Rose, au nom de la survie de l’espèce, et à grand renfort de métaphore agraire. Tel un pèlerin s’approchant d’un reliquaire, l’Amant, muni d’une besace « de bonne facture » et « d’un bourdon raide et fort » emprunte l’étroit sentier qui le conduit à la Rose.

Labourez, Barons, labourez 

Et restaurez vos lignages !

    Ou encore :

Remuez vous, tripez, sailliez,

Ne vous laissiez pas refredir,

Par trop voz membres entedir !

 

L’iconographie de la forge de Nature pour continuer les espèces est illustrée de deux manières différentes.

 

Ceux du Chastel sortir dès qu’ils sentirent la chaleur du brandon venu
 dont aucuns joutèrent tous nus.

Jean de Meun donne dans la provocation, il justifie l’acte sexuel débridé au nom de la procréation. Et il atteint son but car, avec l’évolution des mœurs, le livre a fini par choquer, 200 ans plus tard. Il lui est reproché non seulement ses passages obscènes, mais aussi un certain nombre de propos subversifs où sont critiqués, pêle-mêle, les ordres mendiants de l’Eglise ou la fierté mal placée de la noblesse. Cette querelle littéraire du XVème siècle à laquelle ont été mêlés, entre autres, Christine de Pizan et Jean Gerson, du côté des détracteurs, Jean de Montreuil ou Pierre et Gontier Col du côté des admirateurs, est intéressante en ce qu’elle interroge la responsabilité de l’écrivain.

Jean Gerson désapprouve surtout le mélange des genres, pour avoir rapproché la religion et le sexe, le spirituel et le pernicieux. Christine de Pizan est ulcérée par l’image qui est donnée de la femme et elle porte le débat sur la place publique : « Qui sont fames ? Qui sont-elles ? Sont-ce serpens, loups, lyons, dragons, guievres ou bestes ravissables devourans et ennemies a nature humainne qu’il conviengne fere art et a les decepvoir et prandre ? » [3]

Les défenseurs de Jean de Meun veulent surtout retenir la beauté de la poésie et de l’art oratoire.

L’Eglise clos le débat en une série de treize sermons prononcés à Paris, en l’église Saint Jean de Grève, du 3 décembre 1402 au 18 Mars 1403, le Roman de la Rose est condamné.

 

L’Amant se saisit du bouton de Rose. (Ed Lepreux, 1538)

La scène finale est rarement représentée dans les manuscrits et parfois le texte en est omis. (BNF Ms Rothschild 2800 f. 137v°, Nord de la France, 1329)

 

Ce qui n’a pas empêché la poursuite de sa diffusion avec l’imprimerie. Entre 1481 et 1538, une vingtaine d’éditions se succèdent d’abord in folio puis in quarto. La première version incunable, publiée à Genève, vers 1581, présente une suite de bois gravés expressifs, illustrant fidèlement le texte. Ils seront copiés dans les éditions lyonnaises de Johannes Siber (1485) et Guillaume Leroy (1487) ou par Jean du Pré à Paris (1493). C’est cette dernière édition, avec une interpolation de 104 vers et une réduction des bois, qui va subsister jusqu’à la version modernisée de Clément Marot en 1526. Antoine Vérard n’est pas en reste. Il donne une édition en 1493 avec des bois disparates puis une autre en 1505 avec une nouvelle suite de bois qui en fait certainement l’édition la plus belle des versions imprimées. Après celle-ci, la qualité de l’impression et du papier baisse, dénotant une diffusion dans des milieux moins aisés. L’édition de Galliot du Pré et Pierre Vidoue de 1529 tente une version en caractère romain qui n’a pas eu de suite dans les éditions suivantes.

La version de ma bibliothèque, imprimée pour Poncet Lepreux, en 1538, est tardive ; c’est même la dernière du XVIème siècle. Elle fut partagée entre dix libraires [4]. Ensuite le texte ne sera plus réimprimé pendant deux siècles. On dit qu’elle aurait été établie par Clément Marot mais cette attribution semble reposer sur un indice un peu mince, un ex-dono de Clément Marot dans un exemplaire conservé à la BNF [5]. Quel qu’il soit, le translateur a choisi de moderniser le texte original dont le français était déjà difficile à comprendre pour un lecteur du XVIème siècle. Il a aussi censuré plusieurs passages jugés trop clairement sexuels.

Ainsi l’explicit du roman était très …explicite :

Explicit le rommanz de la rose

Où l’art d’amours est tout enclose

Nature riz si com m’y samble

Quand hic et hec joignent ensamble.[6]

Il le transforme en une sorte de colophon plutôt banal :

Explicit de l'édition de 1538.

Enfin il nous livre une exposition morale par un long prologue dans lequel il nous met en garde contre une interprétation trop littérale du poème. Il souligne les multiples interprétations possibles, religieuse ou profane, scientifiques, philosophiques ou alchimiques, à laquelle l'œuvre peut se prêter. 

 


Cette édition n’est certes pas la plus belle mais les bois reprennent le cycle iconographique des manuscrits et la magie du livre opère toujours. L’art d’aimer à son jardin merveilleux, un carré de verdure parfait, impénétrable et enchanté, qui raisonne gaiement des chants d’amour des oiseaux, dans le doux murmure des sources.

Dans un jardin où batifolent des lapins, Jeunesse et son ami se tiennent enlacés. (BNF ms Français 1567, Paris ? milieu du XIVème s.)

Bonne journée

Textor

 


[1] De nombreuses études ont été consacrées à ce roman. Voir par exemple, pour les questions iconographiques, The early editions of the Roman de la Rose, par Francis William Bourdillon ; Chiswick press, 1906. Plus récemment, Michel Cazenave, Daniel Poirion, Armand Strubel, l’art d’aimer au Moyen Age, 1997.

[2] BNF Ms Français 24390.

[3] Christine de Pizan à Pierre Col, lettre du 2 Octobre 1402, citée par Eric Hicks in Le Débat sur le Roman de la Rose, Paris, 1977, p. 139.

[4] Il s’agit de J. St Denys, J. Longis, J.Morin, Les Angeliers, J.André, J. Massé (Macé), Fr. Regnault, G. Le Bret, P.Vidoue, et P. Lepreux.

[5] BNF, Arsenal Réserve 8-BL-8672

[6] Cf. BNF Rothschild 2801 et français 12953

mardi 24 novembre 2020

Défense et illustration de la langue vulgaire : Bembo - Du Bellay.

Dans la bibliothèque, les livres d’une même époque, parfois, se répondent. Ils ont été inspirés par les mêmes idées ou bien l’un a été à la source de l’autre. Le conservateur de la bibliothèque y est parfois pour quelque chose, un livre appelle l’achat d’un autre et petit à petit la collection trouve une certaine cohérence. Pour illustrer le propos, voici le célèbre manifeste de Joachim du Bellay intitulé La défense et illustration de la langue françoise. S’il est de bon ton aujourd’hui de défendre l’étude du latin et du grec, les lettrés, en cette première moitié du 16ème siècle, cherchaient plutôt à s’en éloigner.

Page de titre de la Défense à la date de 1569

Cet ouvrage fut publié pour la première fois en 1549. Nous sommes juste dix ans après l’édit de Villers-Cotterêts qui impose l’usage de la langue française dans les actes d’état civil.

Du Bellay a l’ambition d’aller plus loin. Avec ses compagnons de la Pléiade, il propose de créer une poésie en langue vernaculaire et pose la question politique de l’autorité d’une langue nationale. Il voudrait appliquer à la poésie en langue vulgaire l’art de la rhétorique ancienne et il y ajoute, reprise d’Horace, la recommandation de l’imitation et la nécessité de concilier la norme et l’usage, le bon usage ne pouvant être que celui de la classe dirigeante.

« Je n’estime pas notre langage vulgaire, tel qu’il est maintenant, être si vil et abject, que le font ces ambitieux admirateurs des langues grecque et latine, qui ne penseraient, fussent-ils là-même Pithô, déesse de persuasion, pouvoir rien dire de bon, si n’était en langage étranger et non entendu du vulgaire. Et qui voudra bien y regarder de près, trouvera que notre langue française n’est ni si pauvre qu’elle ne puisse rendre ce qu’elle emprunte des autres ; ni si infertile qu’elle ne puisse produire d’elle-même quelque fruit de bonne invention, au moyen de l’industrie et diligence des cultivateurs d’icelle, si quelques-uns se trouvent tant amis de leur pays et d’eux-mêmes qu’ils s’y veuillent employer. »[1]

L'avis au Lecteur est placé dans cette édition au verso du dernier feuillet. 

Folio A3 Livre Premier

En lançant cette idée que les amis d’un pays doivent cultiver la langue pour qu’elle produise de beaux fruits, Du Bellay ne fait que suivre deux précurseurs italiens : Pietro Bembo et Sperone Speroni. Il n’a d’ailleurs pas hésité à couper-coller plusieurs passages du Dialogo delle lingue (1542) de Speroni, un essai qui confronte la langue « vulgaire » toscane aux langues érudites, le latin et le grec.

Mais c’est Pietro Bembo qui reste sa référence et Du Bellay lui rend hommage en ces termes :

« Maints bons esprits de notre temps […] se sont [néanmoins] convertis à leur langue maternelle, même Italiens qui ont beaucoup plus grande raison d’adorer la langue latine que nous n’avons. Je me contenterai de nommer ce docte cardinal Pierre Bembe, duquel je doute si oncques homme imita plus curieusement Cicéron. Toutefois parce qu’il a écrit en italien, tant en vers comme en prose, il a illustré et sa langue et son nom, trop plus qu’ils n’étaient auparavant[2]. ».

Prose de M. Pietro Bembo. La page de titre est au Verso du feuillet A1.

Prose, Livre Premier

Pietro Bembo (1470-1547) est l’humaniste-type de la Renaissance, auteur de textes en latin et en italien, en prose et en vers. Né à Venise, il fit ses études à l’Université de Padoue, mais auparavant, en 1492, il alla à Messine en Sicile pour étudier le grec chez un célèbre humaniste d’origine grecque, Constantin Lascaris, comme le fera aussi, plus tard, Guillaume Budé. C’est au retour de ce séjour que Bembo publia son premier ouvrage, bien connu des bibliophiles pour la beauté des caractères aldins, le De Aetna, une description en latin d’une ascension du volcan Etna, inspirée par celle de Pétrarque au Mont Ventoux. C’est en voyageant beaucoup à travers l’Italie que Bembo prit conscience de la nécessité d’une langue commune, dans un pays sans unité politique et linguistique. En collaborant avec Alde Manuce sur l’établissement des textes qui seront publiées par l’atelier vénitien, notamment des grands auteurs toscans du XIVe siècle, Bembo se persuade que la langue archaïque de Dante et de Pétrarque était comparable au latin car il s’agissait d’une langue dont les structures étaient fixées pour toujours.

L’ouvrage où il expose ses idées, ouvrage capital pour la langue italienne, est la Prose della volgar lingua (Discussion en prose sur la langue vulgaire) qu’il publie en 1525, à Venise. C’est un dialogue imaginaire qui aurait eu lieu en décembre 1502 chez son frère, Carlo Bembo. Chaque protagoniste soutient une position différente : le florentin Giuliano de Medicis défend le florentin contemporain, Ercole Strozzi de Ferrare préfère le latin et Federigo Fregoso de Gênes défend l’emploi de la langue vulgaire, tandis que Carlo Bembo se fait l’interprète de son frère, Pietro, et défend l’usage du florentin archaïsant du XIVème siècle. L’œuvre est divisée en trois livres, dont le premier est le plus important pour les théories sur la langue, tandis que le troisième est une grammaire, toujours en forme de dialogue.

Pour Bembo, il existe une distinction entre la langue parlée (Favella) qui change avec le temps et la langue écrite (Lingua) qui doit rester immuable pour que les écrivains soient compris par les générations futures.  « Nous ferons mieux de raisonner dans nos écrits avec le style de Boccace et de Pétrarque qu’avec le nôtre, car ceux-ci n’écrivaient pas pour le peuple. ...Ce n’est pas la masse, Giuliano, qui donne le succès et l’autorité aux œuvres d’un siècle quelconque, mais ce sont très peu d’hommes dans chaque siècle ». Idée que partage Du Bellay (« Cette honeste flamme au peuple non commune ») À la fin du passage, Federigo Fregoso et Giuliano de Medicis se déclarent d’accord avec cette thèse, parce que c’est, de toute manière, moderne ou archaïque, une variété de la langue florentine qui l’emporte.

Le Colophon de Prose, réédition de 1549, l'année où parait la Défense de Du Bellay

Reliure de Prose

Du Bellay reprend la théorie à son compte mais ce qui est intéressant chez lui, dans la référence au modèle italien, c’est l’idée centrale qu’une langue est portée, exaltée, légitimée par les œuvres qui s’expriment en elle : si la langue vernaculaire peut être placée par Bembo sur le même plan ou au même niveau que le latin, c’est parce que cette langue toscane a été illustrée par Dante, Pétrarque, Boccace.

Je possède une réédition de la Défense, l’une des huit pièces imprimées séparément par Fédéric Morel en 1568 et 1569 qui furent réunies par l’avocat-poète Guillaume Aubert dans la fameuse première édition collective originale des œuvres de Du Bellay.

En Avril 1561, un an après la mort de Du Bellay, Charles L’Angelier, profitant de l’échéance du privilège donnée à Fédéric Morel, avait entrepris à la hâte une sorte d’édition collective des Oeuvres datées de 1561 ou 1562 mais, au demeurant, fort incomplètes et qui ne comportait aucun inédit. Furieux d’avoir été pris de vitesse, l’habituel imprimeur de Du Bellay qui avait en effet omis de faire confirmer son privilège après la mort de François II, s’empressa de contester les droits de L’Angelier et obtint gain de cause dès le 21 Juin suivant. La première édition véritable des œuvres complètes de Du Bellay, édition fragmentée avec page de titre générale, est publiée en 1569[3]. Les volumes furent donc publiés petit à petit dans une sorte de préfiguration de la grande édition collective de 1568-1569 qui sera, lorsque les 8 parties sont toutes réunies, de composition strictement identique. Comme celle-ci, il est constitué de parties ayant chacune une page de titre séparée et une foliotation particulière : « Cette organisation permettait d’une part une vente « au détail » et donnait d’autre part la possibilité aux acheteurs de l’ensemble de faire relier ces textes en plusieurs minces volumes plus maniables » [4] . Il faudra attendre 1573 pour que l’édition collective des œuvres de Du Bellay soit à pagination continue.

L'ex-libris Grenet sur la Défense en A1v. 

La mention d'appartenance de Grenet sur l'Olive de Du Bellay, à la fin de l'Epitre au Lecteur fo.7

Dans cet exemplaire de la Défense, un amateur du XVIème siècle, a laissé son ex-libris en signant au verso de la page de titre « Grenet ». Il se trouve que j’ai dans ma bibliothèque un autre livre de Du Bellay, un exemplaire de l’Olive et autres œuvres poétiques (1569), dans lequel ce même Grenet a laissé une mention d’appartenance un peu plus longue et qui permet de l’identifier : « Je suis à René Grenet, seigneur du Bois des Fourches… » (La suite est illisible, sans doute d’autres fiefs lui appartenant).

La famille Grenet est une des plus anciennes de la ville de Chartres : un de ses membres prit part à la première croisade. En 1423, Jean Grenet était lieutenant général du pays chartrain. En 1462, cette place était occupée par Michel Grenet, sieur du Bois-des-Fourches. C’est lui qui publia à Nogent le Rotrou l’ordonnance royale de 1462 qui abolissait le péage sur la rivière[5]. Plus bas dans la généalogie, on trouve un Claude Grenet, sieur du Bois-des-Fourches, receveur des aides à Chartres qui épousa, le 15 janvier 1554 à St-Martin-le-Viandier, Marie Acarie, fille de Gilles, seigneur d'Estauville. Son fils est René Grenet, né vers 1555. C’est le probable auteur de l’ex-libris. Il est receveur des décimes, cet impôt exceptionnel prélevé sur le clergé, justifié par la guerre contre les huguenots mais qui aura tendance à devenir régulier. (A ne pas confondre avec la dîme). René Grenet se maria avec Claude Cheron et eut un fils prénommé aussi René qui devint greffier du grenier à sel de Chartres.  Ce dernier étant né en 1594, il est un peu tard, compte tenu du style de l’ex-libris, une écriture typique du XVIème siècle, pour lui attribuer l’ex-libris. 

Si je m’attarde quelque peu sur ce receveur fiscal à l’écriture tarabiscotée, c’est qu’il ne s’agit pas d’un ex-libris parmi d’autres dans les centaines de marques manuscrites laissées dans mes livres, mais d’un élément d’un grand secours pour en déterminer l’édition exacte.  René Grenet a fait plus que laisser une trace de son existence dans les pages du livre, il a permis aussi de conclure qu'il s'agit bien d’opuscules achetés séparément dès l’origine et non pas d’un exemplaire de l’édition collective qui aurait été dépecé ultérieurement par un possesseur indélicat[6]. Qu’il en soit remercié, lui et toute sa descendance partie aux Amériques l’an 1686.[7]

Bonne journée

Textor



[1] Du Bellay, Défense et illustration de la langue françoise, ch. IV fo.6v de mon édition de 1569 (version modernisée).

[2] Du Bellay, Défense et illustration…., ch.XII fo.39r de l’édition de 1568.

[3] Voir Nicolas Ducimetière, Mignonne allons voir si la rose. Fleurons de la bibliothèque poétique Jean-Paul Barbier-Mueller, 2007, p. 130.

[4] Ducimetière op.cit. p.130

[5] Cf Eugène de Buchère de Lépinois in Histoire de Chartres.

[6] J-P. Barbier Mueller a eu plus de chance que moi, il a recueilli l’exemplaire d’un premier possesseur fortuné qui avait réuni les 8 livres et les avait fait couvrir d’un vélin doré du meilleur effet.  

[7] C’est grâce à l’étude généalogique fort détaillée de Mr Hissem que j’ai pu retrouver René Grenet sieur du Bois des Fourches. The Hissem-Montagüe Family https://shissem.com/Hissem_Norman_Genealogy.html