jeudi 19 décembre 2024

Guillaume des Autels : Repos de plus grand travail (1550)

Que diriez-vous, pour finir l’année, d’un poète de la Pléiade ?

Voici l’édition originale du premier recueil poétique de Guillaume des Autels, typique de la production de celui qui fut en relation avec Ronsard et ses condisciples, et qui, comme eux, souhaitait réformer la langue française et la rapprocher des modèles de la littérature antique. 

Né en 1529 en Bourgogne, peut-être à Charolles puisqu’il signait parfois Des Autels, gentilhomme charolois, ou au château familial de Vernoble, il passa une partie de sa jeunesse à Romans-sur-Isère et fit ses études de littérature et de droit à Valence pour venir ensuite exercer comme avocat à Lyon. Pour se délasser de ces ennuyeux travaux judiciaires, il écrivait des vers inspirés par Horace et Pétrarque.

Page de titre du recueil à la marque de Jean de Tournes

Pontus de Tyard, son parent, introduira Guillaume des Autels dans les milieux littéraires lyonnais. Le brillant bourguignon s'intéressait aux réformes orthographiques, sujet à la mode qui agitait le monde intellectuel de l’époque.  Il s'opposa ainsi à Louis Meigret et publia en 1549 un traité intitulé Réplique aux furieuses attaques de Louis Meigret. Ce dernier, grammairien lyonnais, réformateur de la langue française avait proposé une simplification du français écrit en introduisant notamment des symboles nouveaux et en favorisant une orthographe phonétique. Il sera, à ce titre, violemment attaqué par Guillaume des Autels qui préférait l’ancien style. 

Il se rapprocha néanmoins du groupe des jeunes poètes réformateurs qui évoluait autour de Ronsard. Il aura l’occasion de rencontrer Joachim du Bellay qui s’arrêta à Lyon lors de son voyage à Rome et Etienne Jodelle qui séjourna dans la ville en 1551. C’est pourquoi, les biographes le rattachent au mouvement de la Pléiade bien que son passage soit fugitif, entre 1553 (Élégie à Jean de La Péruse) et 1555 (Hymne de Henri II) date à laquelle son nom disparaissait de la liste, La Péruse étant décédé et Des Autels, effacé, tandis que Peletier du Mans et Rémi Belleau firent leur apparition. 


 La lettre dédicace introductive 
qui se termine par la devise de des Autels « Travail en repos ».

Ses gouts ne le portaient pas vers trop de modernité. Admirateur de Marot, il aurait souhaité que le groupe garde une position mesurée et qu’il existe des rapprochements entre les nouveaux poètes et et ceux de la génération précédente. Ains je n’ay poinct rejetté les bonnes inventions de noz anciens français. Peut-être est-ce la raison pour laquelle Ronsard l’exclut du groupe ? Pour autant, Des Autels admirait Ronsard et leurs positions vis-à-vis des dangers de la Réforme les rapprochaient. Ronsard lui dédia une pièce politique, publiée en 1560, dans laquelle il s’adressa à Des Autels en tant que partisan des Guise, engagé dans le conflit à l’encontre des protestants. 

De son côté, en homme de compromis, Des Autels serait intervenu en faveur de la réconciliation de Ronsard et de Mellin de Saint-Gelais et il fit paraitre De l’accord de messieurs de Saingelais, et de Ronsart [1]. Un rapprochement, tout relatif, qui sera principalement l’œuvre de Michel de L’Hospital et Jean Morel… Pour l'heure, dans le Repos, Guillaume des Autels adresse à Mellin de Saint Gelais un dizain élogieux.

Dizain à Saint Gelais

Quoiqu’il en soit des rapports assez ambigus entre Ronsard et Des Autels, le bourguignon participa pleinement à cette décennie exceptionnelle dans l’histoire de la poésie comme dans celle de la langue en faisant paraitre à Lyon, chez Jean de Tournes, entre 1549 et 1552, trois volumes de poésie amoureuse. Il publia successivement Le Repos de Plus Grand Travail (1550), puis La Suite du Repos (Lyon, Jean de Tournes et Guillaume Gazeau, 1551) et L'Amoureux Repos de Guillaume des Autelz, Gentilhomme Charrolois (Lyon, Jean Temporal, 1553). C’est dans ce dernier recueil qu’on trouve le seul portrait connu de l’auteur, accompagné du portait de sa Sainte, la jeune fille idéale.

En effet, Guillaume des Autels se choisit une maitresse poétique en imitant ainsi l’Hélène de Ronsard ou l’Olive de Du Bellay. Il l’appelait Sa Sainte. Son modèle est sans doute cette Denise Mahé, une jeune fille qu’il avait connue à Romans dans sa jeunesse et dont il était tombé follement amoureux. Plusieurs poèmes du recueil évoquent son prénom : Trois femmes sont, par l’heur des Destinées, / (Femmes non pas, mais bien Déesses) nées, / Jeanne je dis, Marguerite, et Denise

Une autre pièce est adressée à Dame Denyse l’hoste (p.20) ce qui fit dire aux experts que le jeune Guillaume avait peut-être été hébergé dans la famille de la jeune fille à Romans sur Isère. Ce qualificatif un peu curieux de Sainte est expliqué par Des Autels lui-même dans son introduction : La contemplation de la femme aimée est une voie directe vers la connaissance du Créateur admirable de l’univers. Contemplation qui ne l’empêche pas de s’intéresser aussi à sa cousine Jeanne à la blonde chevelure…. 

Epigrammes à la Sainte

Le Repos est une œuvre de jeunesse qu’il présenta lui-même dans la lettre dédicace introductive au recueil comme la collection de petites compositions de ma première jeunesse, entre quinze et vingt ans. Il avait conscience qu’elles n’étaient pas dépourvues de puérilité, et il anticipait déjà les critiques de l’audacieux raillard et mesdisant qui en jasera mais il justifia ses vers en ce que c’est à sa dame que sont dus les labeurs du temps passé et à venir. 

La composition du recueil comprend, après la lettre dédicace de l’auteur à sa Sainte (pp.3-5) un poème de Charles Fontaine à la sainte de l’autheur (p.6) suivi des pièces de l’œuvre proprement dit (pp.7-61), des épigrammes, des sonnets, un dizain, des odes adressés à la Sainte mais aussi à différentes personnes de son entourage (Frère, tuteur, précepteur) et aux poètes du cercle lyonnais Maurice Sceve, Pontus de Tyard, Charles Fontaine….

L’ouvrage se clôt sur deux dialogues moraux, pièces de circonstance pour un évènement théâtral religieux : Dialogue moral entre Vouloir Divin, Ignorance, Temps et Vérité sur le point de savoir qui a fait naitre tant d’hérétiques et qui illuminera les infidèles. (pp. 62-96) et Autre Dialogue Moral sus la devise de Monsieur le Révérendissime Cardinal de Tournon, Non quae super terram, joué à Valence, devant luy, le dimanche de my Careme 1549. Dialogue entre le Ciel, l’Esprit, la Terre, la Chair et l’Homme. (pp. 97- 141)

Le style poétique de Guillaume des Autels n’a pas la légèreté brillante et rythmée du Prince des Poètes mais lui-même est assez satisfait de ce qu’il produit : 

Vous m'avez dit madamoiselle / Des fois je ne scay pas combien, / Que ma façon n'est pas fort belle, /  Que du tout je ne danse rien. / Je respons, qu'il y ha un bien / (Ne vous desplaise) à faire ainsi : / Car si je ne danse pas bien, / Je ne danse pas mal aussi.


Reliure janséniste en maroquin signée Godillot

C’est une caractéristique des jeunes poètes de la Pléiade de se considérer comme élus par les Muses et à ce titre au-dessus du commun des mortels. Le poète charolais affiche d’emblée son ambition de conquérir la gloire littéraire par ses écrits. Y est-il parvenu ? Il mériterait sans doute plus d’audience aujourd'hui, sa poésie n’étant pas dénuée de jolis passages :  

Toutes les fois qu’au travail de l’étude, / Me reposant tout endormi je veille : / Et que de loin sa voix doucement rude, / Ou le tintin des clés qu’elle appareille, / Transmet un air sonnant à mon oreille, / Tant me ravit sa recordation, / Que mon esprit de l’étude s’éveille, / Pour s’endormir en contemplation. 

Mais le chemin de la gloire est parfois pavé d’embûches et les Muses font des jalouses. Visiblement Jeanne La Bruyère, son épouse, n’appréciait guère la métaphore poétique.  Après avoir conclue l’Amoureux Repos sur une sorte de promesse de ne plus écrire de pièces amoureuses à sa Sainte pour préserver sa vie conjugale, Guillaume des Autels est coupé de son inspiratrice. Il faudra attendre six années avant qu’il ne trouve une nouvelle raison d’écrire des vers. Il publiera à partir de 1559 des œuvres plus engagées politiquement, Harengue au peuple français après la rébellion (la conjuration d’Amboise) ou Epitre au Tigre de la France (Le Cardinal de Guise).  

C’est ce poète plus engagé que Ronsard célébrera dans son Elégie à Guillaume des Autels poète Charolais. Au terme d’un développement sur l’ingratitude de la France à l’égard de ses propres enfants, Ronsard écrit :  Pour exemple te soit ce docte des Autels qui a ton los a faict des livres immortels. 

Bonnes Fêtes,

Textor

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 [1] Voir à ce sujet Claire Sicard in Commentaire du titre de l’élégie sur les troubles d’Amboise, adressée à Guillaume Des Autels charolois. Site Hypothèses. Ainsi que Claire Sicard in D’une prétendue réconciliation de Ronsard et Saint-Gelais en 1553. Olivier Halévy; Jean Vignes. Audaces et innovations poétiques, Honoré Champion, pp. 315-334, 2021. hal-02279606

Reliure signée M(arcel) Godillot



1 commentaire:

  1. Merci beaucoup pour ce très bel article. Sandrine karmacontrarié ... 😊

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