jeudi 15 juin 2023

Où il est question de quelques imprimeurs et libraires rennais de la coutume de Bretagne et des ordonnances royales (1535-1539).

Dans les années 1540, un certain Jean Rouault, certainement homme de loi et peut-être avocat au Parlement de Bretagne, a trouvé pratique de regrouper dans un seul volume plusieurs textes juridiques qui lui étaient nécessaires pour dire le droit et instruire les procès. Il fit donc l’acquisition chez différents libraires rennais de quatre ouvrages tout juste parus :

-   Les Coustumes generalles des pays et duché de Bretaigne, nouvellement réformees et publiees en la ville de Nantes (1540),

-    Les Ordonnances et Constitutions faictes en la Court de Parlement de ce Pays et Duché de Bretaigne (1535),

-     Les Ordonnances Royaulx sur le Faict de la Justice (1539),

-     Les Instructions et Articles pour l’Abréviation des Procès (1540).

En tout quatre livres ou opuscules réunis dans un recueil factice.

Reliure décorée de la fleur de lys et de l’hermine de Bretagne.
Je suis à noble Homme Jean Rouault


Que ce soit Jean Rouault qui eut le premier l’idée de réunir ces textes, l’un de ses confrères ou bien même les libraires dont nous allons parler, toujours est-il que l’idée eut un certain succès car nous trouvons à la bibliothèque municipale de Rennes un autre exemplaire de cette édition de la coutume de 1540 contenant à la suite les mêmes ordonnances et instructions, à ceci près que les ordonnances de 1535 sont en seconde édition (Rennes, Jehan Georget pour Jehan Lermangier, 1540). Cet exemplaire, lavé et relié à la fin du XIX siècle porte l’ex-libris d’Arthur de la Borderie qui décrit soigneusement chaque volume dans le Bulletin du Bibliophile Breton. 

Exemplaire A. de la Borderie des Coutumes de Bretagne, Rennes et Nantes 1540 (Bibliothèque Municipale de Rennes)

Ces livres, encore imprimés en lettres gothiques et qui auraient semblés d’un style démodé dans le reste du royaume de France, nous donnent l’occasion d’évoquer le renouveau des presses rennaises qui connurent, grâce au transfert du parlement de Nantes à Rennes, un développement tardif mais certain dans ces années 1540-1550.

1/ La coutume réformée de Bretagne promulguée en 1539.

Pays de droit coutumier, le duché de Bretagne s’était doté de règles juridiques tirées des pratiques locales dès le plus haut moyen-âge. Un premier exercice de mise par écrit de ces usages remonte à l’an 1320. C’est la Très Ancienne Coutume de Bretagne. Selon la tradition, reprise par Noël du Fail dans ses Mémoires [1], elle serait l’œuvre de trois légistes de l’entourage du Duc Jean III : Copu le sage, Tréal le fier et Mahé le Loyal. Ce texte emprunte au droit romain, aux coutumes du Maine et de l’Anjou. Il n’est pas structuré par une loi du souverain comme avait pu l’être les Statuts de Savoie, par exemple, mais un corpus de règles tenant au droit civil (famille, succession, droit rural) comme à la procédure civile et criminelle devant les juges.



Premier folio du texte de la Coutume (cahier B)
 suivis des pages des articles puis des Procès-verbaux.

Quand en 1532, le Duché de Bretagne rejoint définitivement le royaume de France, il devient urgent de rafraichir le texte qui était en vieux langage, de le restructurer et d’en faire une publication officielle comme le veut l’ordonnance royale de Montils-lèz-Tours (1453) pour toutes les coutumes de France.

En effet, pour fixer quelques peu les usages et exclure certaines pratiques donnant trop de pouvoirs aux seigneurs locaux, Charles VII avait prescrit leur rédaction officielle, ce qui prit beaucoup de temps (Entre 1505 et 1540). La rédaction est effectuée, dans le cadre des bailliages, par des praticiens du ressort et examinée par une assemblée des trois ordres, sous l’autorité de commissaires royaux. Avantage d’une rédaction : les cours de justice s’appuient dès lors sur l’écrit pour appliquer la coutume, les coutumes rédigées et décrétées ayant force de loi. Inconvénient : la coutume, ainsi figée, risque de se scléroser. Une réformation des coutumes dut être opérée dès la seconde moitié du XVIe siècle dans toutes les provinces [2].

Extrait de l'épitre de Noel du Fail 
citant les auteurs de la Très Vieille Coutume de Bretagne et ceux de la réforme de 1539

Pour la Bretagne, le roi François 1er confie la rédaction à quatre magistrats, dont curieusement un seul est breton, Pierre Marec, gentilhomme de Basse Bretagne, les autres étant d’Anjou et du Maine [3]. Leur texte, divisé en 24 chapitres thématiques et 632 articles, reste assez proche de la Très Ancienne Coutume. Il est approuvé par l’assemblée des États de Bretagne et promulgué en octobre 1539. La rédaction, bien que modernisée n’est pas toujours très limpide et il faudra le retoucher à nouveau en 1580.

La publication est à l’adresse de Philippe Bourguignon, libraire-imprimeur juré de l’université d’Angers mais il n’a pas été imprimé en Bretagne.

Colophon au nom de Philippe Bourguignon

 A cette époque, beaucoup de livres vendus en Bretagne étaient imprimés en dehors du Duché, pour le compte et sous le nom du libraire local. C’est une habitude qui avait été prise par les membres du clergé breton de faire imprimer leurs missels à Paris, ou même encore en Normandie, et cela depuis le XVème siècle.

Après un début de l’imprimerie prometteur en Bretagne à la période des incunables avec les ateliers de Bréhant-Loudeac, Rennes, Tréguier, Lantenac et Nantes, il y eut une grande éclipse entre 1500 et 1523 où pratiquement aucun livre ne fut imprimés sur place.

C’était encore en partie le cas à la période suivante, durant les années 1530-1540, mais petit à petit des ateliers locaux vont se monter, comme celui de Jacques Berthelot qui prit la suite de Jean Baudoyn, ou bien des libraires, comme Thomas Mestrard, vont finir par imprimer eux-mêmes les ouvrages qu’ils distribuent. Nous voyons ainsi apparaitre le retour des presses en Bretagne. Jacques Berthelot, Thomas Mestrard et Jehan Georget sont tous illustrés par les recueils réunis dans cet ouvrage. 

Première énigme : L'édition de la coutume de 1540 à l’adresse de Philippe Bourguignon aurait été fabriquée à Paris dans l’atelier de Jean Loys d’après le matériel typographique des lettrines. Mais le problème est que Jean Loys n’utilisait pas de caractères gothiques ! Nous ne savons donc pas au juste de quel atelier parisien est sorti ce titre.

Seconde énigme : L’exemplaire que nous présentons ici pose un problème d’identification car sa collation est différente des deux versions décrites par Malcolm Walsby à partir des exemplaires du Musée Dobrée. Il existe une édition A in-4° avec la signature A4 a-c4 d2 B-Z4 &6 ; a-p4 q6 (18 ff.) xciiii lxvi. Cette version semble correspondre à la nôtre puisque le texte de la coutume commence au cahier B gothique précédé d’une table qui dans notre exemplaire est signé A-C4 en majuscule et non en minuscule. Le reste des cahiers est identique à cette édition A. Il existe par ailleurs une édition B (partie à la numérisation et que nous n’avons pas pu consulter pour le moment) qui serait une impression complètement différente nous dit le catalogue de la BMR, dont la signature est A-Z4 &6 a-p4 q6 A-C4 soit (4) xciiii lxvi ff. Si A-C4 correspond à la table, les cahiers ont été placés à la fin de l’ouvrage mais le corps de la coutume ne peut pas être le nôtre puisqu’il commencerait en A4.

Bref, notre exemplaire s’apparente donc à l’édition A pour le texte de la coutume mais la table pourrait être celle de l’édition B bien que tous les renvois de cette table collent parfaitement avec la pagination de la Coutume. Il manquerait alors le premier cahier A4 de cette version ou alors c’est encore une troisième version non décrite de l’édition de 1540.

Philippe Bourguignon (ou Bourgoignon) était établi à Angers, à la paroisse Saint Pierre depuis les années 1520 ; il a joué un rôle important sur la diffusion du livre en Bretagne. Son lieu de naissance est inconnu mais il pourrait avoir été breton, bien que son patronyme ne le suggère pas. Les contrats et les actes successoraux retrouvés dans les archives montrent qu’il avait acquis une certaine aisance financière et développé un réseau commercial qui s’étendait Jusqu’à Nantes et Rennes. Les ouvrages portant l’adresse Nantes et Rennes, comme cette Coutume de 1540, finirent par dominer ceux distribués à Angers.

C’est un cas unique, à notre connaissance, pour le 16ème siècle, d’un libraire établi à Angers, sous-traitant la fabrication des livres à Paris pour les distribuer ensuite à Rennes ou à Nantes.[4]

2/ Les Ordonnances et Constitutions faites en la Cour de Parlement (1535)

Cet in-quarto gothique de 16 feuillets divisés en 4 cahiers signés A-D4, avec 32 lignes à la page pour une hauteur de texte de 120 mm et une largeur de 78 mm est mon préféré de la série. Son titre complet est : Ordonnances / et constitutions / faictes en la court de Parlement de ce // pays et Duche de Bretaigne tenu a // Nantes ou moys de Septembre mil // cinq cens trente cinq / sur le faict // ordre / et stille de pledoyer par // escript et abbreviation des // proces tant en matieres // civilles que criminelles // publiees et enregistrees audict parlement. // Et a la Court de Rennes / par // devant Saige et pourveu // missire Pierres dargen= // tre chevalier seigneur // de la Guichardiere // Senechal d'icelle // court de Rennes // le. xii. jour Do // ctobre lan susd // M.D.xxxv.



la formule de publication des ordonnances agrémentée des armes du Duc François.

Arthur de la Borderie tenait cet ouvrage en grande estime. Il avait réussi à en trouver un exemplaire, court de marge dit-il, et il n’en connaissait qu’un seul autre exemplaire, celui de la bibliothèque de Paul Vatar. De fait, le livre n’est pas courant, Malcom Walsby en a localisé seulement 7 exemplaires dans les bibliothèque publiques [5].

Enthousiasmé par ce texte qui n’est rien moins que le plus ancien acte de juridiction du Parlement de Bretagne en matière typographique, Arthur de La Borderie prend le soin de le décrire de manière détaillée. Il nous dit que le titre occupe tout le verso du premier feuillet et figure par la disposition de ses lignes une sorte de verre à patte qu’il regrette de ne pouvoir reproduire.

Il se donne la peine de retranscrire le texte intégral du privilège octroyé à Thomas Mestrard pour 2 ans, la requête du libraire suivie de la décision de la Cour donnée en parlement à Nantes le 7 septembre 1535. A cette date, le Parlement siégeait à Nantes et ne s’était pas encore transporté à Rennes. Celui-ci a pris des précautions particulières dans sa décision pour que le texte des ordonnances soit une bonne et exacte impression. La Borderie constate que l’imprimeur a suivi cette recommandation car « ce livre est imprimé avec beaucoup de soin, on peut même dire avec luxe car chacun des articles a pour initiale une lettre ornée ».

Ces ordonnances, ou Règlement des Grands-Jours, se composent de deux parties, l’une sur la matière civile en 47 articles, l’autre sur la matière criminelle en 41 articles. Elle se termine par la formule de publication devant Pierre d’Argentré, seigneur de la Guichardière et un écusson aux armes de France et de Bretagne qui sont celles du Duc François III (1518-1536), fils de Claude de France devenu duc de Bretagne à la mort de sa mère en 1524. Dauphin et héritier du royaume de France, il disparut prématurément l’année suivant la publication de ces ordonnances dans des circonstances restées mystérieuses. 

La page de titre donne l’adresse du libraire qui distribue l’ouvrage : On les vend à Rennes à la porte Sainct Michel en la boutique Thomas Mestrard près la Court de Rennes. C’est effectivement dans ce quartier que se vendaient les livres et où Jean Macé avait tenu boutique avec un certain succès durant la décennie précédente. C’était proche du Présidial qui se tenait à l’emplacement du Champ Jacquet où circulaient les gens de loi, principale source de clientèle.

En revanche, rien n’est dit sur la page de titre au sujet de l’imprimeur. Nous aurions été tenté  d'y voir une impression parisienne compte tenu du style des lettrines, assez proches de celles de la Coutume de 1540. Mais la présence au verso du dernier feuillet d’une marque d’imprimeur composé de Saint Jacques et d’un cheval en vis-à-vis avec les initiales JB dans un lacs nous renseigne sur le nom de l’imprimeur. C’est la marque de Jacques Berthelot qui signe ainsi son travail d’impression [6]. Pour être précis, il s’agit d’une marque commune à Jacques Berthelot et Guillaume Chevau qui furent brièvement associés, comme on le verra plus loin.

L'ouvrage se termine par la marque de Jacques Berthelot

Jacques Berthelot avait entamé sa carrière à Caen en 1527 avant de transporter ses presses à Rennes en 1534. Il utilisait le matériel typographique acquis de Jean Baudouyn éphémère imprimeur de Rennes, apparu en 1516, qui n’imprima que quelques titres en deux périodes coupées d’une longue interruption. Berthelot travaillait pour les libraires Thomas Mestrard et Jean Macé. Il sera même jusqu’en 1539 le seul imprimeur de la ville de Rennes. Il meurt avant 1542 date à laquelle sa veuve, Marie Robin, dirige pendant quelques temps l’atelier jusqu’à ce que Thomas Mestrard ne lui rachète son matériel pour devenir imprimeur lui-même.

Cet ouvrage est séduisant à plusieurs titres, d’une part en raison du fait qu’il est le premier texte imprimé du Parlement de Bretagne, d’autre part en raison de la recherche d’esthétisme qui a présidé à sa composition. Enfin c’est le premier ouvrage à nommer Thomas Mestrard et il constituait une première, un « saut dans l’inconnu », comme le dit M. Walsby, à la fois pour le libraire et pour l’imprimeur tout deux établis à Rennes.

3/ les Ordonnances Royaulx sur le fait de justice (1539)

Le troisième ouvrage du recueil est contemporain de la coutume générale et touche la procédure et l’abréviation des procès. Son titre complet est : Ordonnances royaulx // sur le faict de la Justice, & abreuiation // des proces en ce pays & Duche de // Bretaigne faictes par le Roy // nostre sire, & publiees en la // court de parlement, te//nu a nantes, le der//nier Jour de // septembre lan // m.d.xxxix.

Page de titre des Ordonnances Royaulx sur laquelle Jean Rouault au XVIème siècle et Vignault des Ferrières, avocat au parlement de Bretagne, au XVIIIème siècle, ont laissé leur signature.


Il permet d’illustrer le travail d’un autre imprimeur, tout juste installé à Rennes cette année-là, Jehan Georget, associé à un jeune libraire lui aussi tout juste installé, Guillaume Chevau.

Jehan Georget, imprimeur plus prolifique que Berthelot, travaillait pour plusieurs libraires simultanément. Il marquera l’imprimerie rennaise en introduisant deux nouveautés : il est le premier à avoir imprimé un livre au format in-folio et il est le premier à avoir utilisé des lettres rondes. Pour le format, cela peut sembler curieux mais en réalité comme la plupart des livres bretons étaient produit ailleurs, les petits formats étaient privilégiés pour le transport.

Les besoins des gens de loi en ouvrages juridiques lui assureront sa principale production mais toujours en second derrière Thomas Metrard qui, lui, bénéficiait du privilège du Parlement.

Pour ces Ordonnances Royaulx, ce sont bien Thomas Mestrard et Philippe Bourgoignon qui apparaissent au privilège mais Il existe des impressions de cette édition à l’adresse de plusieurs libraires, avec des variantes dans la composition du texte : Celles à l’adresse de Guillaume Chevau, en 32 ff. ; celles à l’adresse de Thomas Metrard en 40 ff. ; celles à l’adresse de Cleray en 32 ff. 

 

Privilège des Ordonnances Royault de 1539 
donné à Philippe Bourguignon et Thomas Mestrard.

Ici, nous avons la version avec Guillaume Chevau mentionné au titre. D’abord libraire à partir de 1539, associé à Berthelot, puis imprimeur à partir de 1546, il utilisait 2 marques d’imprimeur. Une marque « fort belle » nous dit le Bulletin du Bibliophile Breton qui la décrit comme suit : A gauche l’apôtre saint Jacques, à droite un cheval puissant, fièrement campé sur son train de derrière, et qui de ses pieds de devant soutient, de concert avec l’apôtre, un écusson appendu à un arbre et portant les initiales I B. Au bas sont inscrits les noms de J. Berthelot et G. Chevau. »

Cette marque est véritablement commune aux deux artisans puisqu’elle illustre le prénom de l’un (St Jacques) et le patronyme de l’autre (Chevau) ce qui signifie que les deux hommes devaient être un peu plus qu’en simple relation d’affaires, sans doute associés à partir de 1539 et même peut-être avant puisqu’elle apparait à la fin du recueil des Ordonnances et Constitutions de 1535 avec une variante, c’est-à-dire sans les noms de Berthellot et Chevau en pied.

Guillaume Chevau utilisait une autre marque pour lui seul qui était la reproduction exacte de la marque au cheval ailé des Wechsel [7]. Elle figure au titre de l’ouvrage présenté.

4/ Les instructions pour l’abréviation des procès (1540)

Ce petit opuscule de quatre feuillets est le complément du texte précédent et porte sur le même sujet : Instructions et arti= // cles pour l'abbreviation des proces que la  // Court entend et ordonne par provision estre // gardées jusques à ce que le Duc en ayt este // aultrement ordonné. Faict a Vennes le parlement y tenant le v. jour doctobre mil cinq cens quarante.

Page de titre des Instructions et Articles (1540)

Il n’existerait que deux exemplaires de cet opuscule dans les bibliothèques publiques selon Walsby, celui d’Arthur de la Borderie conservé à la Bibliothèque de Rennes (89858-4) et un autre à la British Library.

Le titre est orné de la marque de Thomas Mestrard, un médaillon ovale de 60 mm gravé sur bois, représentant l’Apôtre Saint Thomas mettant sa main dans la plaie du Christ en présence des autres Apôtres.  L’opuscule est aussi illustré d’une autre marque de Thomas Mestrard, occupant tout le verso du dernier feuillet. C’est une gravure sur bois à fond criblé d’une facture un peu étrange. On y voit Saint Thomas d’Aquin nimbé, en costume de dominicain, tenant un livre de la main gauche, tandis que la main droite est levée, l’index pointant vers le ciel. Il semble vouloir démontrer sa doctrine nous dit de La Borderie. Autour de lui, des arbres, des fleurs et un ciel semé d’étoiles dans lequel Dieu le Père est assis, les bras étendus, ayant pour trône l’arc-en-ciel et pour escabeau le globe terrestre. Cette belle gravure est bien imprimée dans mon exemplaire alors qu’elle est très pâle, quasi effacée, dans l’exemplaire lavé d’Arthur de La Borderie.

La marque de Thomas Mestrard

Berthelot-Mestrard, Georget-Mestrard, Berthelot-Chevau, Georget-Chevau, autant d’asso-ciations libraires-imprimeurs illustrées par ces livres de droit qui suggèrent que les alliances n’étaient pas exclusives et que les professionnels du livre cherchaient à répartir le risque sur ce marché breton naissant.

Bonne Journée,

Textor



[1] Noel du Fail, Epitre à Hault et puissant seigneur Messire Loys de Rohan in Mémoires recueillies et extraictes des plus notables arrests du Parlement de Bretagne, Rennes, Julien du Clos, 1579,

[2] Voir Stéphanie Tonnerre-Seychelles : La coutume, petite histoire d’une source de droit in Hypothèses - Carnets BNF 2018. L’article renvoie notamment à la page de Gallica consacrée à la coutume de Bretagne mais les ouvrages numérisés sont essentiellement constitués d’éditions du XVII et XVIIIème siècle et de quelques manuscrits. Rien sur les différentes éditions de Thomas Mestrard.

[3] Certaines sources en citent cinq mais Noel du Fail seulement quatre : François Crespin du Pays d’Anjou, Nicole Quelain, manceau, Martin Rusé de Tours et Pierre Marec, gentilhomme de Basse Bretagne.

[4] Voir Malcolm Walsby, The Printed Book in Brittany, 1484-1600 - BRILL, 2011 - pp. 57 et s. “the Angers connection”.

[5] Dont 3 au Musée Dobrée de Nantes et un à la BNF mais la référence que donne M. Walsby pour l’exemplaire de la BNF est fausse. Il faut lire RES 8-Z DON-594 (87,2). Par ailleurs la notice de la BNF pour cet exemplaire mentionne dans l’adresse T. Mestrardi car le conservateur a pris le tiret / pour un i.

[6] Malcom Walsby op.cit. nous dit que cette marque a été mal attribuée dans le catalogue du Musée Dobrée à Philippe Bourguignon (qui n’était que libraire) et qu’en conséquence Lepreux avait attribué l’impression à Jehan Georget.

[7] Silvestre 924.

lundi 1 mai 2023

Une vente aux enchères à la Librairie Giraud-Badin en Mai 1933

 

Il fut une époque où les bibliophiles, peut-être plus chanceux ou plus riches qu’aujourd’hui, parvenaient à se constituer des collections de livres anciens qu’il serait bien difficile de réunir aujourd’hui. Illustration !

Première de couverture du catalogue Giraud Badin. Exemplaire Langeard



Un bibliothécaire amoureux des livres en fut le témoin et il a suivi minutieusement au cours de sa vie les grandes ventes européennes. Il s’appelait Paul Langeard (1893-1965). Ancien élève de l'Ecole des chartes, sa surdité presque complète l'empêcha de postuler une charge officielle, il devint donc bibliothécaire de la magnifique collection du bibliophile Marcel Jeanson. Le fond Jeanson était formé de l'ancienne collection d'Henri Gallice d'Epernay, achetée en bloc à la mort de celui-ci et qu'il augmenta et enrichit considérablement [1]. Paul Langeard dressa le catalogue des livres et manuscrits de Marcel Jeanson. Ses vastes connaissances, surtout dans le domaine de l'histoire et de la paléographie, sa précision, sa mémoire (indispensable avant internet) et son goût prononcé pour la bibliophilie lui permirent d’acquérir des ouvrages fort curieux, comme ce roman picaresque espagnol inconnu de 1706, qui offre entre autres de curieux tableaux de la vie des étudiants dans l'ancienne université d'Alcalà de Henares à cette époque. Langeard fit l'analyse du manuscrit dans la Revue hispanique [2].

Il faisait aussi bénéficier de son savoir plusieurs libraires parisiens qui ne manquaient pas de le tenir au courant des ventes et lui transmettaient leurs catalogues dont il conservait les plus beaux exemplaires.

Pour une raison inconnue, le reliquat de la propre bibliothèque de Paul Langeard fut dispersé à Cherbourg au début des années 2000 et je mis la main sur deux « manettes » (ou cartons de livres en vrac sans valeur marchande). C’est ainsi que j’ai récupéré un ensemble de catalogues de bibliothèque et de ventes aux enchères couvrant sans doute une bonne partie de l’activité de notre collectionneur, tels que le Répertoire Général de la Librairie Morgand et Fatout (1882), des catalogues Giraud-Badin, Emile Nourry, Ulrico Hoepli, les suppléments aux catalogues d’Anatole Claudin, etc…

C’est le catalogue d’une vente Giraud-Badin de 1933 qui a justifié ce billet, mon attention ayant été attirée par quelques lots qui méritent d’être mentionnés, et dont je me demande bien où ils peuvent se cacher aujourd’hui.





Quelques pages du catalogue

La vénérable librairie Giraud-Badin, située aujourd’hui à l'angle de la rue de Fleurus et de la rue Guynemer est une institution crée en 1917. Elle a joué un rôle éminent dans les domaines de l’expertise du livre ancien et de la bibliographie savante.

Son fondateur en fut Louis Giraud, né en 1876 dans une famille de médecins lyonnais. Il ouvre sa librairie à Paris, 69 avenue Mozart, sous le double nom de son père (Giraud) et de sa mère (Badin). Le 1er février 1919, il entre à la librairie d’Henri Leclerc[3], successeur de Léon Techener dont le père, Joseph, avait fondé en 1834 le Bulletin du bibliophile. En janvier 1923, il succède à Henri Leclerc, qui lui transmet en même temps le Bulletin, alors dirigé par Fernand Vandérem. Dès 1921, il s’attache H. Émile-Paul (1870-1959), fils de l’expert propriétaire des salles Silvestre devenus des Bons-Enfants et éminent bibliographe, qui fera toute sa carrière au sein de la librairie.

Louis Giraud reprend surtout alors la fonction d’expert dans les ventes publiques, tradition venue des librairies Techener et Leclerc.  Durant vingt-cinq ans, il sera l’animateur éclairé de 438 ventes publiques, parmi lesquelles celles de nombreuses bibliothèques aux noms restés fameux : Sarah Bernhardt, Bethmann (1923), le comte de Suzannet (1923-1938), Armand Ripault, Eugène Renevey (1924), Marcel Bénard, Georges-Emmanuel Lang (1925), Hector de Backer, comte Foy (1926), Gabriel Hanotaux, château de la Roche-Guyon (1927), Edgar Mareuse (1928), Dr P. Portalier (1929), Pierre Louÿs (1930), L.-A. Barbet, George Blumenthal, le duc Robert de Parme (1932), duchesse Sforza, Maurice Escoffier (1933), Lucien Gougy (1934), Mme Théophile Belin (1936), Georges Canape, comte Greffulhe (1937), Fernand Vandérem (1939-1940), Chadenat (1942-1950), Marc Merle (1945), Achille Perreau (1946), etc.

C’est donc la collection de Maurice Escoffier qui fut dispersée ce 18 Mai 1933 [4] par le ministère de Me Edouard Giard. La table des provenances qui termine le catalogue donne le tournis : 105 noms d’anciens possesseurs pour 154 lots ! La Vallière, Mazarin, Racine, Montaigne, Pompadour, Maintenon (Mme de), Rahir, Renouard, Firmin-Didot, Pixerecourt, Yemeniz…

En voici quelques extraits choisis de manière très arbitraire :

-         Le Grand Ordinaire de Chrétiens de Jehan Trepperel, vers 1505.

-         Une série de dix éditions originales des Caractères de La Bruyère en reliure uniforme de maroquin doublé, mais de couleurs différentes.

-         Le Discours sur la Religion des Romains de Du Choul, exemplaire provenant de la « librairie » de Montaigne avec son ex-libris.

-         Dix exemplaires des Essais dudit Montaigne dans les éditions Millanges 1582, Langelier 1588, la dernière revue du vivant de l’auteur, celle de 1595 revue par Mademoiselle de Gournay, etc.

-         Six pièces de Pierre Corneille en éditions originales reliées ensemble aux armes du collège de Rennes.

-         Le Grand Térence en Françoys imprimé à Paris par Guillaume de Bossozel, 1539, aux armes du duc de la Vallière. 

Pour ma part, je me serais contenté de me porter acquéreur du modeste petit ouvrage formant le lot 143, dont la page de titre et la reliure sont reproduites dans le catalogue : Les Œuvres de François Villon, reveues et remises en leur entier par Clément Marot, distique dudit Marot, « Peu de Villons en bon scavoir, trop de Villons pour décevoir », chez François Regnault s.d. vers 1540.

Page de titre du Marot, 1540

Maurice Escoffier était connu pour sa collection remarquable de livres de cuisine et de gastronomie. Né en 1878, il était le fils d'Auguste Escoffier, le célèbre chef français et auteur de nombreux livres de cuisine. Maurice Escoffier a poursuivi l'héritage culinaire de sa famille en devenant lui-même un expert de la gastronomie et de l'histoire de la cuisine.

Cette collection fut dispersée également en Mai 1933 lors d'une vente aux enchères organisée par la maison de vente parisienne Georges Petit. Aucun livre de cuisine ne figure dans le catalogue Giraud-Badin. Sans doute que Maurice Escoffier avait choisi de séparer sa collection en fonction des centres d’intérêt des acheteurs.

Paul Langeard assista à la vente Giraud-Badin. A-t-il remporté quelques lots pour son riche commanditaire ou pour lui-même ? Le catalogue ne le dit pas. Il n’a pas non plus mentionné le prix atteint par les enchères [5] ; Seul figurent quelques noms en marge mais pas le sien. C’est une habitude qu’il avait prise de donner en marge des catalogues le nom de l’acquéreur présent dans la salle, plutôt que le prix de l’enchère, signe que le petit monde des bibliophiles se connaissaient bien, avant l’anonymat des téléphones et des ventes en ligne.

Bonne Journée,

Textor



[1] La collection Jeanson fut dispersée pour partie à Monaco dans les années 90 et pour partie en 2001 par la SVV Claude AGUTTES avec l’expertise d’Emmanuel de Broglie, Cabinet Revel (Paris)

[2] Revue hispanique, LXXX, 718-22.

[3] Sur ce libraire, voir l’excellent article de Jean-Paul Fontaine dit le Bibliophile Rhemus in Histoire de la Bibliophilie: Essai de biographie du libraire parisien Henri Leclerc (1862-1941) (histoire-bibliophilie.blogspot.com)

[4] Paris Giraud-Badin 1933 In-4 de 95 pp., br. ‎Reference : 855. ‎154 numéros, planches en chromolithographie h.t.

[5] Deux exemplaires de ce catalogue sont actuellement en vente, le premier par la librairie Frits Knuf Antiquarian Books, Lavardin, France, le second avec les prix reportés au crayon, est proposé par la librairie Jeanne Lafitte, Marseille.

vendredi 28 avril 2023

Quelle est la véritable édition originale des Confessions suivies des Rêveries d’un Promeneur Solitaire de Jean-Jacques Rousseau ?

« Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple, et qui n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi. Moi seul. Je sens mon cœur, et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus ; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m'a jeté, c'est ce dont on ne peut juger qu'après m'avoir lu. »

Un exemplaire de l'édition originale dans sa reliure d'époque

Page de titre du tome Premier

Chapitre premier des Confessions

Confessions, Livre 2

Les Confessions, première grande autobiographie des temps modernes [1], comprend 12 livres et fut publiée en 2 fois : les 6 premiers livres en 1782 et les suivants en décembre 1789.

L’idée de publier l’ensemble de ses ouvrages dans une édition collective et d’y insérer des mémoires en forme d’auto-défense pour régler ses comptes avec ses détracteurs a cheminé lentement dans l’esprit de Rousseau. Il en forma le projet dès 1762 alors qu'il était en exil à Môtiers, en Suisse. Son intention était de se livrer sans retenue, comme personne ne l’avait fait jusque-là, en racontant sa vie avec honnêteté, sans cacher ses faiblesses, ses erreurs et ses contradictions.

Cet ouvrage a marqué un tournant dans l'histoire de la littérature et de l'autobiographie, en introduisant une nouvelle forme de récit personnel, plus subjective et introspective, et il a influencé de nombreux écrivains.

Quant aux Rêveries d’un Promeneur Solitaire, qui suivent les Confessions dans l’exemplaire présenté, nous en recherchions une version ancienne, si possible originale, depuis longtemps. Les dix « Promenades » qui composent les Rêveries ont été écrites au jour le jour, sans ordre préétabli, au hasard des rencontres, des méditations, des souvenirs. De toutes les œuvres de Rousseau, c’est celle qui est la plus proche de nous, celle qui semble bien demeurer comme le véritable chef-d’œuvre de l’auteur.

On ne finirait pas d’énumérer les œuvres où l’influence du Rousseau des Rêveries fut déterminante. C’est elle qu’on retrouve chez son disciple le plus direct, Bernardin de Saint-Pierre ; c’est elle qui détermine (ainsi que les Souffrances du jeune Werther de Goethe) Chateaubriand à écrire René. Tous les poètes romantiques français subirent l’influence de Rousseau, depuis les Méditations poétiques de Lamartine aux Feuilles d’Automne de Victor Hugo.

Page de titre du tome Second

Première page des Rêveries d’un Promeneur Solitaire

Mais pour revenir à l’histoire éditoriale de ces deux textes, tout débute donc dès 1764, quand Marc-Michel Rey, l’éditeur attitré de Rousseau, basé à Amsterdam mais genevois comme lui, se voit proposer par l’auteur de publier l’ensemble de ses œuvres et d’y adjoindre en supplément une autobiographie. Rey avait rencontré l'écrivain à Genève en 1754, et dans les dix années qui suivirent, il avait publié la première édition de toutes les œuvres majeures de Rousseau, sauf l’Émile. La tache était ambitieuse et Rey hésita. Finalement, le projet d’une édition collective publiée par Rey ne vit pas le jour.

Pour autant Rousseau avait déjà rédigé quelques chapitres des Confessions et en lisait des extraits dans les cercles parisiens. Il arrêta lorsque la police, à la demande de Madame d'Épinay, l'en pria par crainte de voir dénigrer de trop nombreux ennemis. Ainsi pendant presque deux décennies les Confessions restèrent sous forme de manuscrit dont tout le monde parlait sans les avoir jamais lues.

Au lendemain de la mort de Jean-Jacques Rousseau, le 2 juillet 1778 à Ermenonville, le marquis de Girardin s'empressa de recueillir tous les manuscrits de son illustre ami, dans l'intention de les publier au profit de sa veuve. À la fin de juillet 1778, il se mettait en relation avec le Neuchâtelois Du Peyrou, détenteur d'une grande partie des manuscrits que Rousseau avait envoyés d'Angleterre, alors qu'il se croyait victime d'un complot. Le 4 octobre, Girardin adressait à Du Peyrou un état des manuscrits qu'il avait rassemblés. Dans un premier temps, pas plus Girardin que Du Peyrou ne mentionnèrent l'existence des Confessions dans les papiers dont ils avaient la garde. Girardin informa l’éditeur Jean-Michel Rey que le manuscrit était à l'étranger.

Nous connaissons aujourd’hui trois manuscrits des Confessions écrits de la main de l’auteur. Le plus ancien, conservé à Neuchâtel, fut rédigé entre 1764 et 1767. On y retrouve une version des livres I à IV, de même qu’un long texte introductif, connu sous le nom de « Préambule du manuscrit de Neuchâtel ». Cette préface, qui fut entièrement supprimée dans les manuscrits suivants, est précieuse en ce que l’auteur décrit les motifs de son entreprise. On ne sait pas exactement pourquoi il la supprima ensuite mais la plupart des éléments abordés dans le préambule du manuscrit de Neuchâtel sont repris à d’autres endroits du texte définitif. Le préambule définitif, beaucoup plus bref apparaît dans les deux autres manuscrits, celui de Paris et celui de Genève, rédigés par Rousseau simultanément de 1768 à 1771. Ce travail de copie, effectué par l’auteur lui-même en même temps que la rédaction des livres V à XII, est motivé par la crainte qu’avait Rousseau que ses ennemis, de peur d’être compromis par ses aveux, ne substituent ses papiers. Le manuscrit de Genève, réparti en deux cahiers selon la même division que le texte définitif – la Première partie comportant les livres I à V, la Deuxième, les livres VI à XII – est celui que Rousseau destinait à la publication. Il le remit, à cet effet, à son ami Paul Moultou, en mai 1778, avec pour instruction de ne le publier que longtemps après sa mort et celle des autres personnes mises en cause par son récit.

Les Rêveries, Dixième Promenade

Les exécuteurs testamentaires ne suivirent pas cette volonté et les six premiers livres des Confessions, jugés sans doute moins sulfureux que la suite, furent donc publiés à Genève, par la Société typographique, sans doute en Janvier ou Février 1782, quatre ans après la mort de l’auteur.

La réaction de Goethe fut enthousiaste. Il écrivit à Charlotte von Stein le 9 mai 1782 :

« Ma mère m’a envoyé la belle édition de Rousseau récemment publiée à Genève. Les Confessions y sont. Je n’en ai consulté que quelques pages, ce sont des étoiles scintillantes ! »

La manière dont il en parle laisse penser qu’il avait en main l’une des éditions collectives car les Confessions et les Rêveries figurent dans les tomes X (pour l'édition in-4), XIX et XX (pour l'édition in-8), XX et XXI (pour l'édition in-12) de la collection des Œuvres Complètes et les tomes VIII et IX des Œuvres Posthumes, toutes datées de Genève MDCCLXXXIII (1782).

En effet, la Société Typographique de Genève mis sous presse plusieurs éditions simultanément en 1782. Elle envisageait de publier une édition in-quarto illustrée pour les connaisseurs, une édition in-octavo non-illustrée pour un public plus large, tandis qu’une édition in-12 devait rester en réserve pour contre-attaquer les inévitables pirateries. L’édition in-quarto prit un peu de retard à cause de la livraison tardive des gravures et comme le public attendait impatiemment la parution des Confessions, La Société Typographique en fit une édition séparée, au format in-8, sans gravure. C’était aussi une façon de rentabiliser cette opération couteuse et d’avoir l’avantage sur les contrefaçons qui allaient nécessairement voir le jour.

Laquelle de toutes ces productions peut être qualifiée d’édition originale des Confessions ?

Tchermézine, 1927-1933. (Ex. BM de Rennes)

Le débat fut vif et la réponse longtemps incertaine mais il est aujourd’hui convenu de donner la priorité, selon toute vraisemblance, à l’édition séparée en deux tomes de format in-8 [2]. Elle porte comme titre Les Confessions de J.J Rousseau, suivies de Rêveries du Promeneur solitaire, avec l’indication Genève et la date de 1782 sur les titres, sans référence à un numéro de tome ou comme supplément d’une édition collective. Elle est imprimée en gros caractères (d’où son nom d’édition en gros caractère) ; le tome I se compose de 2 ff. lim. n. ch. pour le faux-titre et le titre et de 471 pp. ch. ; le tome II de 2 ff. lim. n. ch. pour le faux-titre et le titre et de 279 + 300 pp. ch. (pour les Rêveries) – toutes caractéristiques présentes dans l’exemplaire présenté dans l’illustration de cet article. [3]

Les livres VII à XII des Confessions ne seront publiés qu’en décembre 1789 mais au format in-4. Il n’existe donc pas d’édition originale séparée des 12 livres des Confessions de format identique. La première édition complète de l’ouvrage, dans laquelle sont rétablis les noms et les épisodes supprimés en se basant cette fois sur le Manuscrit de Paris, parut en 1798 et connut douze rééditions parisiennes avant 1824. Le manuscrit de Neuchâtel fut publié pour la première fois en 1909 par les Annales de la société Jean-Jacques Rousseau et se trouve aujourd’hui dans le tome premier des Œuvres complètes de Rousseau dans la Pléiade.

Une autre question demeure en suspens : existe-t-il plusieurs tirages ou des contrefaçons de l’édition en gros caractères ?

Avenir Tchémerzine pensait que l’édition originale était celle du supplément de l’édition collective, mais il avait un doute et a marqué sa proposition d’un point d’interrogation. La réédition de la Bibliographie des éditions originales et rares d'auteurs Français complétée avec les notes du libraire Lucien Scheler apporte quelques précisions. Il est mentionné que l’édition séparée se reconnait à ce que le fleuron sur les titres représente une urne, le bandeau gravé sur bois en tête du texte de chaque volume est un paysage et les culs de lampe sont soit des groupes de maisons, soit une sphère traversée d’une flèche. Et il est ajouté qu’une contrefaçon assez proche par sa collation de cette édition originale se reconnaîtra aisément à ce détail que le fleuron sur les titres au lieu d’être une urne est une rose. D’autre part, si la collation du tome I est identique à celle de l’originale, le texte du tome II compte 280 + 295 pp. ch. Au lieu de 279 + 300.

Cette affirmation a mis le doute dans l’esprit de quelques libraires sérieux comme Camille Sourget qui proposait à la vente un exemplaire tout à fait semblable au nôtre c’est-à-dire qui possède la collation de l’édition en gros caractère (2) ff.- 471 pp. (2)ff. 279 + 300 pp. mais dont le fleuron du tome 1 est une rose et le fleuron du tome 2 une urne.

Camille Sourget avançait donc l’hypothèse que « les deux volumes du présent exemplaire reliés à l’époque chez l’éditeur même nous amène à penser que cette contrefaçon pourrait être un second tirage de l’originale puisque le fleuron de titre du tome Ier est ici une rose tandis que le fleuron de titre du tome second est bien une urne. Nous avons donc le tome premier en second tirage ou contrefaçon et le tome second en premier tirage de cette fort rare édition originale de 1782 imprimée en gros caractères en deux tomes à Genève. »

Cette conclusion paraissait logique, pourtant tous les exemplaires qualifiés d’édition originale dite en gros caractères que nous avons pu consulter présentent cette même particularité d’une rose sur le tome premier et d’une urne sur le tome second, en ce compris l’exemplaire accessible en ligne sur Gallica. Nous n’avons pour l’instant rencontré aucun exemplaire avec une urne sur les deux tomes. Il faut donc conclure que ce n’est pas le fleuron qu’il convient de prendre en compte pour reconnaitre une contrefaçon mais le nombre de pages des tomes. Il parait peu vraisemblable que seule la contrefaçon (ou un second tirage) du tome premier ait subsisté.

Mais nous savons que les bibliophiles rêvent toujours d’atteindre l’inaccessible exemplaire, il ne reste donc plus qu’à localiser un tome premier des Confessions paru à Genève en 1782 avec une urne comme fleuron sur la page de titre….

Bonne Journée.

Textor



[1] P. P. Clément, Dictionnaire des Œuvres ; En Français dans le texte, 162. 

[2] Les travaux en lien avec les commentaires publiés dans la livraison de juin 1782 du Journal Helvétique montrent bien que cette édition séparée dite « en gros caractères » est bien la toute première. Cf F. Michaux  L'Édition originale de la première partie des "Confessions" de J.-J. Rousseau in Revue d'Histoire littéraire de la France, 35e Année, No. 2 (1928), pp. 250-253). Il donne Février 1782 pour la 2ème livraison des Œuvres Posthumes, Mars 1782 selon un prospectus accompagnant la 3ème livraison des Œuvres complètes et sans doute Janvier ou Février pour l‘édition séparée parue quasi- simultanément avec la 2ème livraison des Œuvres Posthumes.

[3] Voir les travaux de Bernard Gagnebin pour l’édition de la Pléiade. Voir aussi : Birn Raymond. Rousseau et ses éditeurs. In: Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome 40 N°1, Janvier-mars 1993. Comportements et sensibilités dans la France du XVIIIe siècle. pp. 120-136.


mercredi 8 mars 2023

Une édition lyonnaise des Angoysses Douloureuses Qui Procèdent d’Amours de Dame Hélisenne de Crenne (1539)

Un roman de chevalerie dont le héros est une femme, adultère de surcroit, et qui s’exprime à la première personne, voilà qui n’est pas banal dans la littérature du XVIème siècle. L’œuvre constitue un mélange curieux qui oscille entre le roman d’amour et le classique récit de paladins. Il est classé parmi les romans sentimentaux, genre alors en vogue à Paris et à Lyon dans les années 1520-1530 [1]. Ce sont souvent de traductions d’œuvres italiennes ou espagnoles, comme la Flammette de Boccace, l’hystoire des deux parfaictz amans de Piccolomini, édition parue chez Denys Harsy en 1537, ou encore la Prison d’Amour de Diego de San Pedro. (Arnoullet, 1528).

Bien qu’inspiré de ces récits, L’ouvrage intitulé Les Angoysses Douloureuses Qui Procèdent d’Amour entrent difficilement dans une classification figée. Le paradoxe tient à ce qu’il emprunte nombre de ses procédés d’écriture à des textes antérieurs sans explorer une voie parodique. L’ouvrage se présente comme un antiroman sérieux, selon l’expression de Pascale Mounier [2]. Tout en affichant son appartenance au genre sentimental, il met ainsi à distance les traditions italienne et espagnole en même temps que la veine chevaleresque nationale. Jean-Philippe Beaulieu [3] émet l’idée qu’il s’agirait davantage d’un protoroman psychologique que d’un roman sentimental, ce qui nous semble assez juste. 

Feuillet Aiii, commencement du livre 1

La trame narrative est divisée en trois parties fort différentes. Dans la première partie du roman, Hélisenne est la narratrice et détaille ses tourments. C’est une jeune femme mariée trop jeune, qui tombe amoureuse d’un jeune homme de condition inférieure nommé Guenelic. Face à un mari jaloux qui l’accuse d’adultère et la bat, Hélisenne trouve refuge dans sa chambre où elle consigne par écrit ses réflexions et ses angoisses afin que son expérience serve d’exemple et que d’éventuels lecteurs se puissent conserver et garder que la sensualité ne domine la raison. Du mari, on ne connait ni le nom ni le prénom, il est vidé de tout individualité par la narratrice. 

Bien que très inspirée de la Flamette de Boccace, (L’epistre dedicative de Dame Helisenne est ainsi une simple réécriture du prologue italien) cette partie est la plus intéressante : Depuis sa prison, elle défend l’idée de pouvoir vivre librement. C’est une écriture de la réclusion qui commence dans la chambre de la Dame et se poursuit dans la grosse tour du château de Cabasus où son mari l’a enfermé pour contrôler son appétit vénérien. Il faut dire qu’Hélisenne avait aggravé son cas en ne cachant pas ses sentiments. Si le mari avait des soupçons, ils lui furent amplement confirmés par les propres écrits de son épouse qui reconnait n’avoir pas cherché à s’en cacher : Je n’euz la considération de cacher mes escriptures par lesquelles estoyent exibées et bien amplement déclairées toutes les fortunes bénévoles et malevoles qui m’estoyent advenues depuis que Cupido avoient sur moy domination et seigneurie.

Les rencontres des amants sont furtives, dominées par la peur d’être surpris, limitées à des échanges de regards ou de lettres. Hélisenne décrit en une image suggestive leur seul contact physique : Il venoit de passer si près de moy qu’il marchoit sur ma cotte de satin blanc. J’étois fort curieuse en habillemens, c’estait la chose où je prenaye singulier plaisir, mais au contraire, vonluntairement et de bon cueur j’eusse baisé le lieu où son pied avoit touché.

Pourtant, ne croyez pas que tout soit rose entre Hélisenne et Guenelic. Si Hélisenne se plaint amèrement de sa condition de captive, elle se plaint tout autant de son amant. En effet Guenelic s’est quelque peu vanté d’avoir séduit la belle. Elle l’apprend, se dit calomniée et l’accuse alors de tous les maux :

Ô inique et méchant jouvenceau, Ô ennemi de toute pitié, Ô miserable face simulée, parolle en fraulde et dol composée, sentine de trahisons, sacrifice de Proserpine, holocauste de Cerberus, scaturie d’iniquité, qui incessamment pullule : regarde comme présentement ta pestiféré langue (membre diabolicque) dissipante de tous biens, consumatrice du monde, sans occasion s’efforce de denigrer et adnichiler ma bonne renommée [4]. 

Chapitre XXII, Exclamation piteuse d’Hélisenne contre son ami.

Le thème de la calomnie et du mensonge revient à différentes reprises dans le récit. Hélisenne se dit victime des faulx relateurs et des dénonciateurs dont on ne saisit pas clairement de qui il s’agit et en quoi consiste la médisance. Ce personnage dénonce les amants, porte de mauvaises nouvelles pour leur nuire par intérêt, jalousie ou pure méchanceté. Le traitement allégorique de la calomnie est une lointaine réminiscence du personnage de Male Bouche le losengier dans le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris.

Cette première partie se termine peu après l’emprisonnement d’Hélisenne au château de Cabasus.

 A la fin de la dédicace A toutes Honnestes Dames, 
un bois représente une femme tenant une bague.

L'épître dédicatoire aux lectrices

Dans une seconde partie, la parole est donnée à l’amant Guenelic. Le titre précise que le récit est composé par Dame Hélisenne parlant en la personne de son ami ; il relate ses aventures, vécues avec son compagnon Quézinstra, afin de libérer Hélisenne. Ce livre met l’accent sur l’activité chevaleresque et n’évite aucun cliché du genre, ce qui contraste avec l’influence du roman sentimental relevée dans le premier livre. Si la première partie s’inspirait de la Flamette la seconde se rapproche du Peregrin. On assiste donc à de nombreux combats, tournois et prouesses où l’action est privilégiée. Toutefois, comme Guenelic est aveuglé par ses sentiments pour Hélisenne, le récit est ponctué de longues discussions sur l’amour.

La troisième partie est aussi narrée par Guenelic et décrit une nouvelle série d’aventures chevaleresques qui ne paraissent pas vraiment différentes de celles de la seconde partie, à ceci près que l’enchainement des situations aboutit finalement à la réunion des amants. En effet, Hélisenne est délivrée de sa prison par Guenelic, mais consécutivement au combat provoqué par son départ, Hélisenne trouve la mort ce que Guenelic ne pourra pas supporter ; il connaîtra également une fin tragique. Les deux amants finissent par se retrouver dans l’au-delà, aux champs Hélisien

Ces trois livres sont précédées d’une épître dédicatoire où Hélisenne exhorte les femmes à bien aimer, ce qui est pour le moins paradoxale, et sont suivies, en guise d’épilogue, d’une Ample narration faite par Quézinstra, le compagnon d’armes de Guenelic, sans doute écrit postérieurement, dans lequel est esquissé une brève biographique d’Hélisenne de Crenne où l’accent est mis sur l’identité énigmatique de celle qui est à la fois l’autrice, la narratrice et le personnage principal du roman. C’est la seule partie qui donne un avis extérieur sur la rencontre des deux amants.                       

A vrai dire, nous savons peu de chose sur Hélisenne de Crenne, dont l’existence a même été niée dans certaines études [5], comme ce fut le cas pour d’autres autrices du XVIème siècle, telle Louise Labé [6]. Elle serait née vers 1510 à Abbeville sous le nom de Marguerite de Briet, puis aurait épousé vers 1530 un certain Philippe Fournel, sieur du Crasne, dont elle se sépara légalement en 1552 pour aller vivre ensuite à Paris [7]. On lui doit trois ouvrages, tous parus dans un lapse de temps très court et formant une sorte de trilogie : Les Angoysses douloureuses qui procedent d'amours, composées par dame Hélisenne (1538), Les Épistres familières et invectives de ma Dame Helisenne, composées par icelle dame de Crenne (1539), Le Songe de madame Helisenne, composé par la dicte dame, la considération duquel est apte à instiguer toutes personnes de s’alliéner de vice, et s’approcher de vertu (1540).

 

Les pages de titre de l'édition de Denys de Harsy 
avec la marque dite au Dédale et la devise "ne hault ne bas médiocrement" 

L’exemplaire ici présenté a été imprimé à Lyon par Denys de Harsy en 1539. C’est la première édition lyonnaise qui suit de peu l’édition originale parisienne de Denys Janot parue en 1538. L’éditeur lyonnais est inconnu mais il s’est livré à une étude minutieuse du texte parisien et il a choisi d’en améliorer la lecture par une mise en chapitres clairement délimités par des vignettes et des titres.

Alors que le texte parisien ne contenait aucun espace de respiration, certains passages se poursuivant sur plusieurs pages sans retour à la ligne, avec des vignettes distribuées au hasard, cette seconde édition avec l’ajout d’un dizain introductif qui résume le sujet du livre et les 56 ajouts de texte sera considérée par la suite comme l’édition de référence. Elle sera reprise dans cette structuration en chapitre par les éditions postérieures, y compris les éditions parisiennes en 1540 et 1550, ce qui est exceptionnel pour un texte qui est probablement une édition pirate puisque parue pendant la période de 2 ans du privilège de Janot [8].

Qui est l’auteur de ces modifications ? Est-ce une intervention de la narratrice ? Un travail du correcteur dans l’atelier ? Mystère. Le seul indice pourrait être déduit du dizain ajouté par Harsy et joliment intitulé Hélisenne aux Lisantes. Il mérite attention car il n’existe qu’un seul autre cas connu de poème liminaire dans un roman sentimental édité à Lyon, un huitain introduisant la Deplourable fin de Flammette (Juste, 1535) dont l’auteur est Maurice Scève et qui présente quelques similitudes avec celui-ci : 

Le dizain Hélisenne aux Lisantes, adjonction lyonnaise

A noter que ce dizain s’adresse à un lectorat féminin, ce que ne faisait pas l’édition parisienne. Cible commerciale confirmé par l’introduction d’une dédicace au livre 2 destinée aux nobles et vertueuses dames.


Pages du second livre

Les vignettes utilisées par l’imprimeur Harsy sont des bois de réemploi que nous retrouvons dans différentes éditions de Marot ou de Rabelais ou encore des Héroïdes d’Ovide, à partir du milieu des années 1530, mais elles sont plus intéressantes que celles de l’édition parisienne dans la mesure où elles collent généralement au texte quand celles de Janot étaient des vignettes passe-partout sur le thème de l’amour et de la chevalerie.

Certaines, au format allongé (37x72 mm), ont une composition tripartite avec une femme ou un homme écrivant à sa table au centre, encadré de deux scènes se répondant sur les côtés. Dans quelques cas, les scènes vont au-delà du texte, comme celle tirée du suicide de Philis, où le personnage se plante un poignard dans la poitrine alors que dans le récit, Hélisenne ne fait qu’évoquer cette possibilité. Les titres des chapitres aussi promettent parfois plus que le texte qui suit. Ainsi le chapitre sur la fruition d’amour, illustré d’une belle vignette sur les travaux champêtres, n’est pas confirmé par le récit ; Les deux amants n’iront jamais jusqu’à conclure….

Le fruition d'amours

La fin de Guenelic

Le titre de ce chapitre pourrait être la morale du livre


Au final, l’intervention du sage Quézinstra dans l’épilogue laisse le lecteur fort perplexe. Le compagnon de Guenelic vient témoigner de la fin des deux amants, bien sur, mais dans quel but ? Pour dénoncer les folies commises au nom de l'amour et qui ont mené les deux amants jusqu'à la mort ou pour légitimer l’amour impudique et montrer à tous que, malgré les obstacles, les amants sont enfin réunis aux "Champs Hélisiens", en récompense de leurs tourments ? A vous de décider.

Bonne journée

Textor 



[1] Janine Incardona, Le Genre narratif sentimental en France au XVIe siècle : structures et jeux onomastiques autour des Angoysses douloureuses qui procedent d’amours d’Hélisenne de Crenne, Publicacions de la Universitat de València, 2006.

[2] Mounier, P. (2006). Les Angoysses douloureuses d’Hélisenne de Crenne : un antiroman sérieux. Études françaises, 42 (1), 91–109.

[3] « Hélisenne de Crenne, Les angoisses douloureuses qui procèdent d’amour », édition de Jean-Philippe Beaulieu, Publications de l’Université de Saint-Étienne, coll. « La cité des dames », no 2, 2005,

[4] Partie 1, Chapitre XXII, Exclamation piteuse d’Hélisenne contre son ami.

[5] Notamment dans la thèse d’Anne Réach-Ngô, qui conteste l’existence de Marguerite Briet en tant qu’auteur au profit d’une production émanant directement de l’atelier de Denis Janot. (Voir La Mise en livre des narrations de la Renaissance : Écriture éditoriale et herméneutique de l’imprimé, Paris IV-Sorbonne, 2005, 3 vol.

[6] Mireille Huchon, Louise Labé, une créature de papier, Genève Droz 2006.

[7] Une donation notariée d’Aout 1552 nous apprend qu’elle est séparée de biens du sieur Philippes Fournet, ecuyer, seigneur de Crasne et qu’elle demeurait à St Germain des Prés.

[8] Christine de Buzon et William Kemp, Interventions lyonnaises sur un texte parisien : l’édition des Angoysses douloureuses qui procedent d’amour d’Helisenne de Crenne (Denys de Harsy, vers 1539), dans L’Émergence littéraire des femmes à Lyon à la Renaissance (1520-1560), Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2008, p. 179-196. Voir aussi Michèle Clément : Co-élaborations à Lyon entre 1532 et 1542 : Des interventions lyonnaises en réseau sur les récits sentimentaux ? -  Réforme, Humanisme, Renaissance, Association d’Études sur la Renaissance, l’Humanisme et la Réforme, 2011, pp.35-44.